Dans son ouvrage classique La Droite en France (1954), René Rémond relevait la proximité historique entre la droite et le catholicisme, rappelant le mot de Simone de Beauvoir : « La religion n’est pas à droite, elle est la droite. » Pourtant, le sujet n’était que peu évoqué dans son livre, comme s’il gênait l’auteur. Cette surprenante réserve de l’historien ne tenait pas seulement au souci de ne pas politiser l’Église, vue comme une institution spirituelle plutôt que partisane. Elle correspondait aussi à une tendance politique : la diversification, après 1945, des opinions politiques et l’effacement du clivage classique entre la droite catholique et la gauche laïque. Enfin, de façon plus personnelle, le catholique de gauche qu’était R. Rémond voulait croire à une « dédroitisation » du catholicisme et à sa lente évolution vers la gauche et le centre, correspondant selon lui à une forme d’acclimatation à la modernité démocratique. En retour, l’hypothèse de la déchristianisation de la droite faisait écho à la baisse des pratiques religieuses dans l’ensemble du pays, de plus en plus sécularisé. Dans les années 1960, un quart des Français se rendaient régulièrement à la messe dominicale. Ils sont 5 % aujourd’hui.
Cependant, les récentes évolutions de la vie politique française ont contredit la perspective de R. Rémond. Comme le montre la somme de près de 800 pages dirigée par l’historien Florian Michel et le politiste Yann Raison du Cleuziou, les catholiques se sont remobilisés dans l’espace public au sein de mouvements explicitement marqués à droite. La Manif pour tous, par exemple, a été lancée pour contester le bien-fondé du mariage pour tous, mesure prise sous le mandat de François Hollande. Elle a agrégé des réseaux catholiques conservateurs ensuite insérés dans différents partis politiques de droite, à l’image de François-Xavier Bellamy, engagé dans la Manif pour tous et tête de liste des Républicains aux élections européennes de 2019.