Les cliniciens : ceux qui soignent

En France, le psychologue clinicien a un statut spécifique et une expertise bien particulière, liée à son cursus universitaire. En quoi consiste son travail au quotidien ?

Il suffit d’observer un amphithéâtre d’étudiants se destinant à la psychologie clinique pour s’en convaincre : quand on est vraiment motivé, il n’y a pas d’âge pour commencer ou recommencer ses études. De fait, si certains optent pour la psychologie au sortir du baccalauréat, nombreux sont ceux qui ont d’abord fait d’autres études, voire ont travaillé pendant des années (anciens infirmiers, enseignants, avocats, agents immobiliers, etc.), avant de décider, à l’âge de 30, 40, 50 ans, voire plus, qu’ils avaient envie de « faire psycho ». « J’ai suivi des études de psychologie sans envisager d’en faire ma profession, raconte Lise Bartoli, psychologue clinicienne, hypnothérapeute et auteure de plusieurs ouvrages (1). Je souhaitais tout simplement étudier la psychologie pour mieux comprendre le fonctionnement psychique et le comportement d’autrui. Ce sont les techniques de développement personnel qui m’ont donné envie d’aider à mon tour les autres. En regardant en arrière, je me dis que c’était le bon moment. En effet, j’avais mûri tant en âge qu’en expérience, ce qui est un atout dans le métier d’aide. J’ai alors finalisé mes études par mon diplôme de fin d’études, le DESS de psychologie clinique et pathologique et j’ai ouvert mon cabinet. »

Les parcours de vie des aspirants psychologues en général, et cliniciens en particulier sont étonnants, ce qui contribue aussi à la richesse de la formation. Il existe toutefois un décalage vertigineux entre l’hyper­motivation d’individus qui décident dès l’adolescence de consacrer leur existence aux sciences humaines et cliniques ou envisagent une reconversion dans la psychologie comme une deuxième vie d’adulte, et ceux, assez nombreux en première année de psycho qui, parce qu’ils n’ont pas été acceptés dans d’autres filières, ou parce qu’ils « se cherchent », viennent s’échouer sur les bancs des amphi­théâtres – sans compter ceux qui avouent s’être inscrits en psycho pour « avoir la carte étudiant et des tarifs réduits au ciné ». Résultat : les amphis sont saturés mais beaucoup abandonnent en cours de route. Ainsi, d’après des chiffres du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche publiés en 2011, pour 10 000 étudiants inscrits en première année, 2 500 sont effectivement diplômés de Master 2.

Dans toute approche, un entretien clinique

L’entretien clinique est l’outil premier du psychologue clinicien, puisqu’il va lui permettre de con­naître la symptomatologie du patient, son histoire personnelle, familiale, et ce qui l’a amené à consulter. C’est donc à la fois un outil diagnostic et un outil thérapeutique. Un psychologue peut avoir une orientation analytique (souvent, dans ce cas, il est psychologue et psychanalyste), être un TCCiste, travailler selon les principes de l’entretien non directif de Carl Rogers, s’inspirer des thérapies humanistes*, de la psychologie positive… « Psychothérapeute en activité libérale, je pratique la thérapie cognitive d’Albert Ellis ou PCER pour Psychothérapie cognitive émotivo-rationnelle, explique Didier Pleux (voir encadré ci-dessous). J’accueille aussi bien des enfants ou adolescents qui souffrent de non-performance scolaire ou de problèmes de comportements en famille ; mon approche très psycho-éducative inclut un travail de coaching éducatif avec les parents. Les adultes qui font un travail sur eux appréhendent leurs émotions dysfonctionnelles – l’anxiété, la colère, la dépression – qui les conduisent à la pathologie. Dans notre approche, ce n’est pas la guérison de surcroît, mais la volonté de traiter les pathologies : désinhiber un phobique, dé-ritualiser un Toc, stopper les idées noires d’un dépressif, désintoxiquer un dépendant, remotiver un ado en décrochage scolaire, aider les parents à retrouver une bonne autorité éducative. Le plus difficile est sans doute d’obtenir la coopération de certains patients qui attendent de la psychothérapie un mieux-être ou une solution miracle. Ils doivent accepter que pour lutter contre tous les déterminismes – génétiques, familiaux, sociaux – il leur faudra de nouveau devenir pilote à bord, et cela ne se fait pas sans… frustrations. »