Les contradictions du oui au référendum sur l'Europe

On reproche souvent au non ses contradictions. En fait, si le oui a perdu c'est parce qu'il avait aussi ses ambiguïtés.

Le oui au référendum sur la Constitution européenne a échoué en partie parce que les acteurs politiques français ont mal assumé l'héritage européen. Telle est la thèse de Nicolas Jabko, chercheur au Centre d'études et de recherches internationales (Ceri). Selon lui, le lancement fin 2001 de la Convention sur l'avenir de l'Europe, chargée de débattre d'un projet de constitution, a placé les partisans du oui en situation de porte-à-faux.

Présidée par Valéry Giscard d'Estaing, la convention a été présentée au public comme une réorientation de l'Union dans le sens souhaité par la France, c'est-à-dire plus « politique » et moins « économique ». Elle était chargée d'élaborer un projet collectif sur lequel chaque pays avait logiquement une emprise limitée. En s'engageant fortement en faveur de cette méthode, le gouvernement français ne pouvait plus afficher une défense trop étroite de ses intérêts nationaux. La France s'est, de ce fait, montrée prête à transiger sur des sujets considérés jusqu'alors comme touchant à ses « intérêts vitaux » : par exemple, l'accroissement du poids de l'Allemagne au Conseil des ministres ou encore l'extension des pouvoirs du Parlement européen dans le domaine de la politique agricole commune. En outre, le gouvernement français a dû tant s'éloigner de ses préférences initiales (création d'un poste de « président de l'Europe » fort, progression vers une défense européenne et une « Europe-puissance », etc.) que ses objectifs sont devenus difficilement reconnaissables.