Le titre suffit à nous interpeller : comment peuvent se trouver réunis les termes de psychologie sociale et de « Moi », conception psychanalytique par excellence ? En réalité, par Moi, Stéphane Laurens nous parle de la personnalité sous un angle original. Maître de conférences en psychologie sociale, son domaine de recherche est la construction sociale de la réalité. Construction propre à chaque individu, qu'on ne peut comprendre que dans son rapport aux autres, au groupe, à la société.
On peut entendre par conversion les changements de personnalité, les conversions religieuses, ou le phénomène des doubles vies. Ces manifestations restent assez marginales, et de ce fait la tendance serait de les considérer comme très spécifiques. Or pour S. Laurens, il ne s'agit que de la forme exagérée d'un phénomène normal partagé par chacun d'entre nous, nous qui nous adaptons sans cesse à des contextes sociaux pourtant contradictoires. Nous adoptons ainsi un personnage, ou plutôt une facette de notre personnalité selon notre interlocuteur, le lieu et ses codes précis, les circonstances. Dans le cas des conversions, qui peuvent être très brusques ou au contraire être l'aboutissement d'une réflexion mûrie, la particularité est la rupture, par rapport à un modèle, et de l'acceptation d'un autre modèle, qui peut être son opposé. Comme modèle psychologique possible de la conversion, se trouverait le somnambulisme, étudié par Pierre Janet à la fin du xixe siècle. Un état second va pour un temps très bref devenir premier, l'individu change d'identité. Ces personnalités resteraient latentes, actives mais au second plan, toujours prêtes à resurgir. Cet ouvrage, nourri d'exemples pris au fil de l'Histoire, permet une réflexion sur l'individu, la société, et les liens étroits qu'ils entretiennent.