La gestion de la crise des dettes publiques provoque désormais une inquiétude sur le sens même de la démocratie en Europe. Elle a en effet été perçue comme exclusivement technocratique en raison des rôles majeurs que la BCE, la Commission européenne et le FMI – la « troïka » – y ont tenus. De plus, les décisions du Conseil européen ont semblé suspendre au nom de l’urgence financière les mécanismes ordinaires des démocraties nationales : ce qu’il décide prend force de loi pour les États membres, sans qu’aucune discussion démocratique nationale soit possible ensuite. Par ailleurs, le Parlement européen n’a pas réussi à s’affirmer aux yeux des citoyens comme le lieu où s’opèrent les choix démocratiques des Européens sur la gestion de la crise.
Prenant prétexte de l’élection présidentielle en France, les journalistes Christophe Deloire et Christophe Dubois décrivent cette évolution dans leur Circus politicus. Pour eux, la gouvernance européenne vide désormais la démocratie nationale de son sens. Elle fait donc de l’élection présidentielle, comme de toute la vie politique nationale, un « cirque » sans importance. Le vrai pouvoir n’est plus à Paris, mais à Bruxelles. Par ailleurs, le sens même des décisions prises, privilégiant les intérêts des acteurs des marchés financiers sur le bien-être des populations les plus vulnérables, a fait dire au poète allemand Ingo Schulze que nous allions vers une « démocratie compatible avec les marchés ». L’écrivaine Susan George dans son pamphlet, Cette fois, en finir avec la démocratie. Le rapport Lugano II, propose une vision similaire d’une Union européenne désormais toute dévouée à la défense de la finance et hostile à l’État providence.