Les difficultés à sortir du piège de Daech

Le 29 juin 2014 à Mossoul, Abu Bak al Baghdadi proclame la naissance d’un califat. La déclaration prend de court la communauté internationale. Pourtant, les signes avant-coureurs étaient nombreux…

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2014 pourrait être l’année où tout a basculé. En un temps record, un nouvel acteur, l’État islamique, s’est imposé au centre de la scène politique irakienne, puis syrienne, créant une nouvelle donne à l’échelle de l’ensemble du Moyen-Orient. Et les médias occidentaux, incrédules, ont découvert ce qui leur apparaissait comme une sorte d’Ovni politique, une armée de djihadistes surgie de nulle part et que nul ne semblait pouvoir arrêter. Pourtant, nombreux étaient les signes avant-coureurs de cet événement géopolitique majeur. De 2003 à 2008, pendant l’occupation américaine, une guerre confessionnelle entre sunnites et chiites a ensanglanté l’Irak. Ce conflit était sans précédent dans la longue histoire des relations entre les deux grandes communautés musulmanes de ce pays : des centaines de milliers de morts, en grande majorité chiites, et un processus de fragmentation et de communautarisation territoriales, dont Bagdad demeurera le symbole. De cette métropole multi-ethnique et multiconfessionnelle de 7 millions d’habitants ne reste plus qu’une ville meurtrie, délabrée et devenue à 80 % chiite.

La puissance et la visibilité de l’État islamique se sont brutalement accrues avec l’extension de ses ambitions politico-militaires à la Syrie voisine, elle aussi engagée dans une guerre civile meurtrière, conséquence du Printemps arabe de 2011. La proclamation du califat par le leader de l’organisation sur un territoire à cheval sur les deux pays, le 29 juin 2014, a illustré l’ambition affichée de construire un État par ce qui n’était qu’un petit groupe salafiste-djihadiste parmi d’autres. Il a su exploiter la crise des États de la région. Liée aux printemps arabes et à l’occupation américaine en Irak, elle a conduit à une crise des hiérarchies religieuses sunnites – traditionnellement liées à ces États. Leur disparition, dans un contexte d’éclatement de l’autorité religieuse sunnite, a laissé un vide que l’État islamique a su exploiter.

L’incroyable expansion territoriale, réalisée en un temps record, et la guerre déclarée aux États de la région et aux puissances « mécréantes » ont très vite donné au phénomène une dimension mondiale. Tétanisés par les crimes et massacres mis en scène par l’État islamique, les pays occidentaux ont mis sur pied en toute hâte une vaste coalition militaire à laquelle ont adhéré la plupart des États arabes qui se sentaient menacés (Jordanie, Arabie saoudite, Émirats arabes, Bahreïn, Qatar). Mais la faiblesse majeure de cette coalition reste l’absence de projet politique pour une région en pleine recomposition.