Pourquoi rééditer les écrits antisémites de Louis-Ferdinand Céline, ou commémorer Charles Maurras dans un contexte de flambée de la xénophobie ? Les débats tapageurs qui escortent ces questions, posées par Gisèle Sapiro à la fin de son ouvrage, révèlent les enjeux encore incandescents de la relation des écrivains à la politique. Malgré leur dépolitisation relative depuis les années 1970, ces vives querelles rappellent que « les livres ne remuent pas le monde, mais le conduisent secrètement », selon une formule d’Étienne de Senancour. C’est cette manœuvre secrète qu’explore G. Sapiro. Évènement clé, l’affaire Dreyfus a marqué précisément l’amorce d’une bipolarisation du champ littéraire en gauche et droite, cadrage voué à durer, mais aussi celle d’un processus d’autonomisation du champ politique, concomitant avec sa professionnalisation. Ce moment a été constitutif de la notion d’intellectuel exerçant un pouvoir symbolique sur les débats de la cité.
Les écrivains et la politique en France
Les écrivains et la politique en France. De l’affaire Dreyfus à la guerre d’Algérie, Gisèle Sapiro, Seuil, 2018, 408 p., 25 €.