Les écrivains et la politique en France

Les écrivains et la politique en France. De l’affaire Dreyfus à la guerre d’Algérie, Gisèle Sapiro, Seuil, 2018, 408 p., 25 €.

Pourquoi rééditer les écrits antisémites de Louis-Ferdinand Céline, ou commémorer Charles Maurras dans un contexte de flambée de la xénophobie ? Les débats tapageurs qui escortent ces questions, posées par Gisèle Sapiro à la fin de son ouvrage, révèlent les enjeux encore incandescents de la relation des écrivains à la politique. Malgré leur dépolitisation relative depuis les années 1970, ces vives querelles rappellent que « les livres ne remuent pas le monde, mais le conduisent secrètement », selon une formule d’Étienne de Senancour. C’est cette manœuvre secrète qu’explore G. Sapiro. Évènement clé, l’affaire Dreyfus a marqué précisément l’amorce d’une bipolarisation du champ littéraire en gauche et droite, cadrage voué à durer, mais aussi celle d’un processus d’autonomisation du champ politique, concomitant avec sa professionnalisation. Ce moment a été constitutif de la notion d’intellectuel exerçant un pouvoir symbolique sur les débats de la cité.