A l'heure où la mondialisation suscite toutes les craintes possibles quant à ses effets potentiels sur la culture et la cohésion sociale, le livre d'Annette Jobert apporte un éclairage aussi original que convaincant. L'entrée choisie est celle des relations professionnelles ou, autrement dit, celles des rapports de conflits et de négociation qui lient l'Etat, les employeurs et les syndicats de salariés. L'objectif de ces interactions est la régulation sociale, c'est-à-dire la production de règles servant à la gestion du travail et de l'emploi.
Dans son livre, A. Jobert rappelle les principales étapes qui, en France, ont jalonné la construction de ce système social particulier. En son sein, et à la différence des pays anglo-saxons, les conventions collectives de branche occupent une place majeure (lois de 1936 et de 1950). Depuis ces dernières décennies, l'on assiste cependant à des transformations importantes, à commencer par la montée en puissance des accords d'entreprise, niveau de négociation qui vient ainsi percuter celui de la branche.
En s'appuyant sur les travaux empiriques qu'elle a consacrés aux classifications et à la formation professionnelle, l'auteur décrit par le menu ce que cela signifie : en matière de classification et de compétence, par exemple, les règles de branche consistent désormais bien davantage à encadrer des formes de gestion individualisées au niveau de l'entreprise (en garantissant le respect de certaines procédures) plutôt qu'à imposer un modèle uniforme de classement et de rémunération.
A. Jobert constate par ailleurs la diversité des régulations d'une branche à l'autre et elle montre plus généralement que l'on assiste moins, aujourd'hui, à une dérégulation des relations de travail mais bien plutôt à l'invention de nouveaux espaces de négociation (les régions, l'Europe) ainsi qu'à l'émergence de nouveaux acteurs des relations professionnelles.
En dissipant de la sorte le mythe de l'emprise croissante et inéluctable de la logique marchande sur les relations sociales, elle contribue au renouveau du dialogue entre sociologues, économistes et juristes sur des questions aussi centrales que celle des règles ou encore de la dynamique de l'action collective.