Les évolutionnistes. Penser le développement

Pour les évolutionnistes du 19e siècle, la pédagogie devait favoriser le développement naturel de l’enfant, étape par étape. Ce courant scientifique pionnier prônait une rénovation de la pédagogie et la promotion des méthodes actives.

La philosophie évolutionniste a fourni un important tribut à la psychologie de l’enfant puis à la pédagogie. On lui doit l’idée que l’éducation, avant d’être l’inculcation de normes ou de valeurs, doit favoriser le développement naturel. Jean-Jacques Rousseau en avait déjà montré l’importance, mais au 19e siècle, cette nature est définie par la biologie et l’évolution des espèces.

Il faut commencer par évoquer Charles Darwin (1809-1882), qui publie en 1877 une Esquisse biographique d’un petit enfant, écrite à l’occasion de la naissance de son fils, en 1849. Ce texte attire l’attention sur les mouvements réflexes du nouveau-né et sur ses premiers mouvements volontaires. Il montre aussi la précocité du sourire et les premières relations de l’enfant à son entourage, ainsi que ses premières initiatives et expérimentations. Ainsi, avec les évolutionnistes du 19e siècle, se dessine une nouvelle représentation de l’enfant selon laquelle l’activité est de première importance pour l’apprentissage : le développement moteur et psychologique va de pair avec l’expérimentation du monde. En s’interrogeant sur l’origine de la pensée et en observant le développement du bébé, Darwin posait un jalon de la révolution mentale qui à la fin du 19e siècle a changé la vision de l’enfant, du développement et de l’éducation.

Un nouveau regard sur l’enfance

Cette révolution a été initiée au même moment par Herbert Spencer (1820-1903), autre théoricien de l’évolution, inventeur du concept de « survivance du plus apte », auteur d’un ouvrage aujourd’hui peu lu, mais qui a en son temps connu un grand rayonnement (De l’éducation intellectuelle, morale et physique, 1860), notamment en France. Pour Spencer, les organismes vivants, humains compris, sont soumis à la concurrence, à la lutte pour la vie, en vue de la sélection des plus aptes (« the survival of the fittest »). Cette vision conduit à donner beaucoup d’importance à l’idée d’effort. Il ne suffit pas pour un organisme de posséder des qualités innées, il faut encore les développer et, pour cela, lutter et persévérer. L’éducation, pour Spencer, doit armer l’individu pour la vie, former son caractère, sans chercher à remettre en cause l’inégalité naturelle, et sans mettre en avant des idéaux moraux inatteignables. Les finalités de l’éducation se retrouvent redéfinies dans le cadre d’une philosophie utilitariste.