Les fans des Beatles

Christian Le Bart, Presses universitaires de Rennes, 2000, 242 p., 120 F.

De Theodor Adorno à Pierre Bourdieu, la sociologie de la culture s'est le plus souvent employée à réduire la figure du « fan » à un pur produit de l'industrie culturelle. Celle-ci transformerait « le peuple en insectes », ou le pousserait à une participation passive et fictive. A travers son étude des fans du célèbre groupe de Liverpool, Christian Le Bart propose une approche qui rompt radicalement avec cette vision critique qu'il qualifie d'ultra-élitiste. Dans le cadre d'une sociologie de l'identité et à travers une trentaine d'entretiens avec des fans, il décortique les multiples processus d'appropriation de l'univers et de l'imaginaire Beatles : « Aimer les Beatles, c'est souscrire à une certaine image de soi. »

L'auteur, qui se revendique lui-même comme « fan », décrit les étapes de cette appropriation, et tout ce qu'elle implique dans le rapport à soi et au monde. Le moment du « coup de foudre » est largement provoqué par l'influence des copains. Commence ensuite un long chemin de découverte de l'univers Beatles, vécu comme chemin personnel, étroitement lié à une histoire de vie : « J'ai surtout apprécié les Beatles à partir du moment où mon mari est tombé malade », dit une fan. La musique des Beatles est ainsi vécue comme l'expression d'une intimité, de sentiments intérieurs.

Après la phase de la découverte, vient celle de la revendication d'appartenance au « monde des Beatles ». L'affirmation identitaire se fait souvent par la confrontation, parfois agressive, avec d'autres imaginaires musicaux rivaux. Les réseaux d'admirateurs sont le théâtre de luttes symboliques internes à cet univers. Il s'agit, par exemple, de choisir son camp : Lennon versus McCartney... L'adhésion à l'une ou à l'autre de ces deux personnalités si opposées, c'est l'adhésion à une certaine vision du monde, à un certain style. Cette identification à l'univers Beatles, de « totale » chez le lycéen, tend à s'estomper ou à être relativisée à l'âge post-scolaire.

Dans une troisième partie de l'ouvrage, moins centrée sur le témoignage des acteurs que sur l'étude de données statistiques, Christian Le Bart montre l'absence de lien clair entre la position sociale et le goût musical. La passion Beatles n'est pas réductible à un profil social type, à une catégorie générationnelle ou à une appartenance politique.

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