Les fous enchaînés du XXIe siècle

« Fous du village » immobilisés par des chaînes, ou enfermés dans une petite cellule : des pratiques d’une autre époque ? Dans certaines régions du monde, ces scènes correspondent à une réalité. Face à cette situation, des initiatives voient le jour, notamment en Afrique de l’Ouest et en Indonésie.

Côte d’Ivoire et Bénin :
Les « oubliés des oubliés »

Rencontre avec le docteur William Alarcon, psychiatre au CHU du Mas Careiron à Uzès, et Camille Bergot, interne en psychiatrie au CHU de Montpellier-Nîmes, qui soutiennent les actions de Grégoire Ahongbonon par le biais de leur association SMAO (Santé mentale en Afrique de l’Ouest).

En Afrique de l’Ouest, la faiblesse des politiques de santé mentale et la persistance de croyances autour de la folie condamnent très souvent les malades mentaux à l’isolement, l’errance ou l’abandon. Certains d’entre eux sont même enchaînés par leurs proches, qui, impuissants face à la maladie, ne voient pas d’autre solution. Face à la gravité de la situation, le Béninois Grégoire Ahongbonon a décidé de faire de l’aide aux malades mentaux le combat de sa vie. En une trentaine d’années, cet ancien réparateur de pneus est parvenu à mettre en place, avec son association Saint-Camille, plusieurs centres d’accueil et de soins qui jouent un rôle sanitaire décisif en Côte d’Ivoire et au Bénin.

Que pouvez-vous nous dire sur la situation des personnes atteintes de troubles mentaux en Afrique de l’Ouest ?

William Alarcon : Peut-être davantage que l’enchaînement, ce que l’on voit beaucoup, c’est l’errance, la décrépitude… Beaucoup de malades sont livrés à eux-mêmes et subissent des maltraitances. C’est un phénomène de grande ampleur, tout simplement parce qu’il n’y a presque pas de politique de santé mentale. Dans ces pays, les ressources en psychiatrie sont très faibles.

Camille Bergot : Nous nous sommes intéressés à l’association Saint-Camille, créée par Grégoire Ahongbonon, car en Afrique de l’Ouest, c’est le seul organisme qui propose un début de politique de santé mentale, avec un développement géographique et une accessibilité des soins. S’il y a une accessibilité à la fois sur le plan géographique et sur le plan financier, les gens sont tout à fait disposés à faire soigner leurs malades. Ils ne les attachent pas par plaisir !

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Quelles sont les croyances autour de la maladie mentale ?

C.B. : Quand une personne présente des signes de maladie mentale, on pensera qu’elle a été ensorcelée, victime d’un sort ou encore qu’elle est possédée par le diable… Les malades font peur, non seulement à la population, mais aussi à des médecins non-psychiatres. En l’absence de système de soin, les gens n’ont que des images de malades mentaux errants, délirants, inquiétants. Ils ne se rendent pas compte que les malades mentaux peuvent aussi être soignés et aller mieux.