Les frontières favorisent-elles la paix ? Ou sont-elles au contraire belligènes ? La relation entre frontière et conflictualité n’est ni simple ni univoque. Il existe une soixantaine de contentieux territoriaux importants. Et la politique de certains grands États semble étendre leur influence, par la force si nécessaire, bien au-delà de leurs frontières reconnues.
Une frontière reconnue de part et d’autre, délimitée et – si nécessaire – démarquée est souvent une conséquence de la paix. « La frontière signifie aussi qu’on a fait la paix », dit le géographe et diplomate Michel Foucher. De plus, elle favorise les relations pacifiques : les couples de pays qui ont accepté leurs frontières comme légitimes et réglé leurs différends ont peu de chances d’entrer en guerre. Il y a donc un « cercle vertueux » de la frontière.
L’inverse est tout aussi vrai. Presque tous les différends bilatéraux qui ont connu des épisodes de violence se cristallisent autour de frontières non délimitées, héritées de la décolonisation ou d’une sécession. Et bien souvent d’une guerre, par exemple entre le Pérou et la Bolivie (accès à la mer). La frontière, c’est la guerre ? « Qui dit frontière, dit ligature. Coupez la ligature, effacez la frontière, ôtez le douanier, ôtez le soldat, en d’autres termes, soyez libres ; la paix suit », proclamait Victor Hugo (1). Plutôt que de « cause de guerre », il faudrait en fait parler, la plupart du temps, de simple « prétexte », surtout si l’on parle seulement d’une question de démarcation de la frontière. Peut-on croire que la guerre meurtrière entre l’Éthiopie et l’Érythrée était « causée » par le minuscule différend frontalier qui les opposait à propos du village de Badmé ?