Les images du terrorisme

L'histoire des médias peut-elle servir l'histoire du terrorisme ? Ceux que cette question intéresse liront cet article avec profit. En effet, l'historienne Catherine Bertho-Lavenir propose ici une esquisse de ce que pourrait être une histoire médiologique de l'attentat. L'acte terroriste aurait connu, selon elle, depuis le début du xixe siècle, quatre âges médiologiques. Le premier âge médiologique (1800-1880) serait un âge de la censure. Les terroristes n'ont guère de moyens de s'exprimer, si ce n'est dans des opuscules à diffusion confidentielle ou dans leurs procès. Le deuxième âge médiologique serait celui de l'essor de la culture de l'imprimé, à partir de 1880. Les terroristes disposent désormais de beaucoup plus de liberté d'expression pour faire connaître leurs luttes. Avec l'irruption en 1919 de l'Armée républicaine irlandaise sur la scène terroriste, le terrorisme entre dans un troisième âge médiologique. Le terrorisme se développe sur un modèle militaire et les dégâts deviennent donc de plus en plus importants. Or, au même moment, les médias connaissent une véritable explosion. C. Bertho-Lavenir se garde bien d'établir une relation de causalité entre les deux phénomènes. Quoi qu'il en soit, l'alourdissement du coût humain et l'explosion des médias conjuguent leurs effets. L'attentat devient un événement de plus en plus spectaculaire, de plus en plus porteur d'émotion, ce qui n'est pas sans conséquence sur la pratique terroriste : pour se faire entendre, il ne faut plus s'en prendre à la personne du prince, mais à des cortèges entiers. La photographie et la radiodiffusion ne font qu'accentuer le phénomène. L'explosion des médias, l'irruption du son et des images deviennent donc des armes, mais elles peuvent facilement se retourner contre les terroristes, ainsi lors de l'attentat manqué contre André Malraux, le 7 février 1962. L'OAS a manqué sa cible, mais touché une petite fille, dont le visage ensanglanté fait la une de Match. La bataille de l'image tourne nettement à l'avantage des pouvoirs publics... C. Bertho-Lavenir distingue enfin un quatrième âge médiologique, à partir des années 80, marqué par l'internationalisation des médias. Les relais de diffusion de l'émotion s'étendent à l'échelle de la planète.