L’intelligence ne se résume pas au QI
Après avoir été renvoyé d’une douzaine de collèges, Sacha Guitry, psychologue à sa manière, voyait les écoles comme des « établissements où l’on apprend à des enfants ce qu’il leur est indispensable de savoir pour devenir des professeurs. » Howard Gardner (1943- ), en 1983, déclare exactement la même chose : « Nous imposons à tous nos enfants une éducation qui les prépare à devenir enseignants. » Le système scolaire est adapté à un seul type d’intelligence, par définition celui qui est utile à l’école. Et le reste ?
Une longue tradition de débats
Comme toute grande idée en psychologie, celle des intelligences multiples ne sort pas de nulle part. Les psychologues se sont écharpés tout au long du XXe siècle à propos de la nature unique ou mutliple de l’intelligence. Dès 1904, à Londres, Charles Spearman (1863-1945) théorise le facteur g, ou facteur général, clé de voûte d’une intelligence unique. Mais Louis Leon Thurstone (1887-1955), à Chicago, évoque cinq facteurs spécifiques. Dans le WISC, sa batterie de tests, le psychologue du développement David Wechsler (1896-1981) modifie le mode de calcul du QI pour distinguer les performances verbales et non verbales. Dans les années 1950, Joy Guilford (1897-1987), de l’université de Caroline du Sud, élaborant un test pour mesurer la créativité, constate que cette dernière ne semble pas liée à l’intelligence évaluée par le QI. Il évoque une « pensée divergente » qui ne consiste pas à resserrer son attention vers une solution idéale comme dans la pensée convergente, mais à en imaginer le plus possible. Sa théorie de la structure de l’intelligence distingue six composantes : la cognition, la mémorisation, la récupération d’informations, la production divergente, la production convergente, l’évaluation. En 1963, à Columbia, Raymond Cattell (1905-1998), ancien élève de Spearman, distingue une intelligence fluide liée, à la mémoire de travail, et une intelligence cristallisée, liée à la mémoire à long terme. Retraité actif de l’université de Caroline du Nord, John Bissell Carroll (1916-2003), en 1993, distingue trois niveaux d’intelligence : une trentaine de capacités spécifiques comme la mémoire visuelle ou le vocabulaire, qui se regroupent en huit facteurs plus généraux dont l’intelligence fluide et l’intelligence cristallisée, lesquels dépendent du facteur g. À Yale, en 1985, Robert Sternberg (1949- ) décrit trois intelligences : analytique, créative et pratique.
• Howard Gardner. (1983). Odile Jacob, 1997. • Serge Larivée (Dir.). . MultiMondes, 2008.