Les langues indo-européennes et la famille eurasiatique. T. 1 : grammaire

Joseph. H. Greenberg, Belin, 2003, 399 p., 24,50 €.

Cet ouvrage, dont voici la traduction française, est le dernier de Joseph H. Greenberg, grand nom de la linguistique génétique américaine, professeur à l'université de Stanford, décédé en 2001 à 85 ans. Il a consacré la majeure partie de sa carrière à constituer un arbre généalogique des grandes familles de langues. Dans ce livre, il s'attache à définir et renouveler la classification de la macrofamille eurasiatique.

Selon lui, elle englobe sept familles : l'indo-européen, recouvrant la plupart des langues d'Europe jusqu'au sous-continent indien, l'ouralo-youkaghire, l'altaïque, le coréo-nippo-aïnou, le guiliak, le tchouktchi-kamtchatkien et l'eskimo-aléoute. L'eskimo, que J. H. Greenberg avait antérieurement rattaché aux langues amérindiennes, ferait en réalité partie de l'eurasiatique. Autrement dit, des langues parlées de l'Alaska au Japon en passant par l'Europe, la Russie ou encore le Pakistan seraient toutes apparentées. Leur origine commune remonterait à 15 000 ans, tandis qu'on estime à 100 000 ans l'apparition du langage pour l'ensemble de l'humanité.

L'hypothèse de J. H. Greenberg est audacieuse, et son corpus monumental. Son travail repose sur la comparaison de formes linguistiques fréquentes, jugées stables, soit sur le plan de la grammaire, à laquelle est consacré ce volume, ou sur celui du lexique, dont traitera le second tome, à paraître. La majeure partie du livre consiste en une démonstration particulièrement détaillée, difficile d'accès pour qui n'est pas spécialiste. Il y confronte les résultats de ses recherches avec la classification de l'école russe dite nostratique (du latin nostrates, « nos compatriotes » : langues apparentées à l'indo-européen), dont il souligne certaines convergences renforçant l'hypothèse eurasiatique. Toutefois, ces ressemblances seraient parfois sujettes à caution, car issues de reconstitutions elles-mêmes hypothétiques. En outre, son analyse concerne exclusivement l'eurasiatique, et les relations entre les différentes macrofamilles, comme les langues afro-asiatiques, amérindiennes ou encore australiennes, restent à établir.

Achevé avec l'aide de son disciple, Merritt Ruhlen, qui avait défrayé la chronique avec son ouvrage sur L'Origine des langues. Sur les traces de la langue mère (également chez Belin, 1997), le livre de J. H. Greenberg offre plus qu'une simple classification : il porte en germe la question anthropologique de l'origine des langues et des aires de peuplement humain.

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