Vous êtes l'un des initiateurs de la recherche sur le « transnationalisme ». Quelle définition donnez-vous de ce terme ?
Ce sont des activités transfrontalières conduites par des acteurs de la société civile indépendamment et parfois contre les Etats nationaux. Dans le domaine de l'immigration, le terme désigne les activités économiques, politiques et sociales réalisées de manière régulière par des organisations d'immigrés, en direction de leur pays d'accueil. Cette définition ne fait pas l'unanimité. Certains objectent que ce type d'activité n'a rien de nouveau, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de forger un nouveau concept. A ceux-ci, on peut répondre que le phénomène, auparavant plutôt occasionnel, a acquis une régularité et une intensité inédites.
Quelle est la contribution de ces actions pour les pays d'origine des immigrés ?
Elles tendent à affecter significativement le processus de développement, au niveau local (les régions d'émigration) mais parfois aussi au niveau national, dans le cas de petits pays comme le Salvador ou la République dominicaine. Au Mexique, des centaines de villages d'émigration ont vu leurs églises réparées, leurs rues goudronnées, leurs hôpitaux équipés, leurs écoles construites, grâce aux transferts financiers des émigrés. Face à un désastre naturel (tremblement de terre, etc.), les ressortissants d'un même village, d'une même région forment des comités pour venir en aide à leur terre d'origine. Les populations des villages d'émigration peuvent être mondialisées sans avoir même jamais voyagé, du fait des transferts monétaires, des investissements, de l'influence culturelle des émigrés.