Peut-on dire que nous sommes tous soumis à l’influence de la publicité, depuis le berceau jusqu’à la vieillesse, et qu’on le veuille ou non ?
Oui, nous sommes absolument tous sous influence, et toute notre vie, depuis notre plus tendre enfance, dès que nous nous trouvons à une table de petit-déjeuner avec les mêmes rituels et les mêmes produits. Il ne faut plus associer la publicité aux seuls mass media, c’est complètement dépassé ! Aujourd’hui, les marques prennent la parole dans des cycles de vie. Elles vont, par exemple, servir de sponsors à des manuels scolaires, pour que l’enfant se familiarise avec elles durant une année complète. Et comme par hasard, dans la salle d’attente du pédiatre, vous allez retrouver des jouets proposés par une marque de lait… C’est un travail de longue haleine qui se poursuit durant l’âge adulte. Notre cerveau est ainsi fait que nous consommons surtout ce qui nous est familier. Vous pouvez risquer l’inconnu pour essayer une boisson que vous ne connaissez pas, parce que le risque perçu lié à l’achat est faible. Mais pour un produit plus cher qu’on achète exceptionnellement, comme une voiture, je peux vous garantir que vous n’allez pas vous essayer à une marque inconnue.
Selon vous, la meilleure publicité n’agit donc pas pour nous persuader qu’un produit est meilleur, mais pour rendre des produits familiers, en les associant à des contextes plaisants ?
Exactement. Bien sûr que les marques obéissent à des plans marketing assignés pour placer un produit et dynamiser des ventes, mais elles poursuivent bien d’autres objectifs plus importants, comme développer une image cool ou tendance. Une journaliste me racontait récemment que sa fille de sept ans lui demandait pourquoi elle n’ouvrait pas un compte dans une certaine banque, qu’elle décrivait comme « cool ». Or cette famille participe à des événements sportifs toujours sponsorisés par cette banque. Un exemple aussi terre-à-terre que celui-ci nous montre l’emprise de la familiarité d’une marque qui, par des moyens financiers conséquents, s’installe régulièrement dans la vie des catégories de population qui l’intéressent, cette familiarité engendrant des préférences.
Et l’enfant dont vous parlez n’est pas seulement un prescripteur de cette banque auprès de ses parents, c’est aussi un futur client qui, le moment venu, y ouvrira spontanément un compte ?
Je viens d’avoir un fiston. Il était à peine né que ma banque nous a offert un bon pour ouvrir un compte d’épargne, et un renard en peluche qui, quand vous l’ouvrez, sert de tirelire. Il est très probable que cette banque l’accompagnera toute sa vie. Bien sûr, il faut que le produit ou la marque soient bons, mais si la marque a mis en place un tel lien, elle capitalise dessus. Nous restons fidèles à 70 % des marques que nous consommons avant 15 ans, et dans les familles d’aujourd’hui, l’enfant est pris en compte dans ses choix de marques dès ses trois ou quatre ans. Ce qu’il peut vivre avec un produit constitue une expérience à part entière, qu’il peut partager avec ses parents. Il ne s’agit plus pour le marketing de faire du brand content, du contenu de marque, mais d’associer la marque au plaisir et à la facilitation de l’existence.