Dans le monde occidental, l’enfant qui voit le jour n’est généralement plus un « heureux événement », mais le fruit d’une décision pleinement consciente. Ses parents qui, en quelque sorte, l’ont « convoqué à naître », se sentent éminemment responsables de sa sécurité, de son bonheur et de sa réussite. Et tendent alors, à des degrés divers, à devenir des « hyperparents » : « Parent(s) parfait(s) d’un enfant parfait dans un monde parfait », résume le psychopédagogue Bruno Humbeeck dans un ouvrage récent (Hyperparentalité, 2022).
L’hyperparentalité puise selon vous ses racines dans une vision réductrice de la pédagogie positive. Qu’entendez-vous par là ?
Après avoir parfaitement servi de contrepoids aux excès d’un mode éducatif autoritaire centré sur la punition et la sanction, la pédagogie positive, née dans le monde de la recherche anglo-saxon, s’est, dans sa traduction francophone, engouffrée dans le réductionnisme, condamnant toute forme de sévérité, fût-elle bienveillante, et s’est muée en une espèce de guide de bonnes pratiques éducatives parentales.
Ce répertoire a donné naissance à trois prototypes de parents qui se sont mis à fonctionner comme des modèles illusoires : un « parent zen », c’est-à-dire maître de ses nerfs, imperturbable quel que soit le comportement de l’enfant, un « parent hypercommunicant », pour qui tout peut être dit et tout peut s’entendre, enfin un « parent supertolérant », qui voue le mot « obéir » aux gémonies. Une pédagogie enracinée dans ces trois prototypes illusoires ne correspond pas à la notion de pédagogie bienveillante, qui dans son acception originelle, vise à répondre au besoin de structure de l’enfant en lui imposant certaines limites.