Les patrons souffrent aussi...

Le stress des salariés fait l’objet d’une abondante littérature. 
Pas celui des patrons. Ils ne sont tout de même pas à plaindre ! 
Eh bien, parfois, si…

“L’inaudible souffrance patronale” : c’est le titre d’une tribune publiée dans le journal Le Monde en janvier 2009 par Olivier Torrès, professeur de gestion à l’université de Montpellier. Il y dénonce l’indifférence générale entourant la question de la souffrance des dirigeants de PME. « De nombreux patrons se suicident chaque année, souvent dans l’anonymat le plus consternant », déplore-t-il. Un phénomène occulté principalement pour deux raisons, d’après lui : premièrement, « les biais idéologiques des spécialistes du travail dont la plupart des travaux ne s’intéressent qu’à la souffrance salariale, laissant supposer (...) que le patron est le bourreau, ou celui qui est à l’origine de cette souffrance. Appréhendé dans un contexte où la souffrance résulte d’effets de domination, le patron, dominant, ne peut donc souffrir. »

La deuxième raison tiendrait aux dirigeants de PME eux-mêmes, qui ont tendance à taire leurs difficultés. Olivier Torrès met en cause l’idéologie du leadership, véhiculée par les business schools anglo-saxonnes, qui font de l’entrepreneur un héros, une figure divinisée, qui, par conséquent, n’a pas le droit de montrer ses faiblesses : « Les patrons s’enferment ainsi dans une image narcissique qui les survalorise. Parler, et donc reconnaître ses souffrances, serait dissonant. »

Pourtant, les facteurs de stress auxquels sont confrontés les dirigeants de TPE et PME sont multiples. « Les entrepreneurs subissent de fortes pressions sur les plans juridique et économique. Ils sont responsables civilement et pénalement de tout ce qui se passe au sein de leur entreprise, note Christophe Rey, psychologue du travail, responsable du pôle Prévention des risques psychosociaux au sein du cabinet JLO Conseil. Et puis, dans une petite structure, le moindre incident financier a tout de suite un impact important. Cet environnement devient vite stressant car l’entrepreneur avance dans une incertitude permanente, il est toujours sur un fil. »

L’incertitude est en effet l’une des données fondamentales de l’entrepreneur, qu’il soit artisan, commerçant ou propriétaire dirigeant d’une PME. « Il dispose de revenus aléatoires, à l’opposé de la régularité du salaire versé aux employés. Dans certains secteurs, l’horizon du carnet de commandes se limite à quelques mois, voire à quelques semaines en période de crise », précise Olivier Torrès dans son livre La santé du dirigeant (1).

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Être bon partout

« L’une des grandes difficultés du métier d’entrepreneur, c’est qu’il faut être bon partout : bon gestionnaire, bon manager, bon commercial, bon technicien… », observe Christophe Rey. Le dirigeant doit jongler en permanence entre ces rôles et savoir prendre des décisions dans tous ces domaines. Une étude de 1992 (2) révélait déjà que plus que le volume de travail, c’est cette prise de décisions qui est source de stress chez les entrepreneurs. Ils doivent quotidiennement assumer des choix qui peuvent avoir de lourdes conséquences importantes pour l’entreprise et ses acteurs.