Les personnalités multiples, histoire d'une illusion psychiatrique

Sybil a eu jusqu’à 16 personnalités différentes ! 
Son cas avait marqué le début d’une véritable épidémie de personnalités multiples aux États-Unis. Mais les contre-enquêtes menées sur cette histoire jettent aujourd’hui un trouble… sur la réalité des personnalités multiples.

L’histoire avait ému et impressionné toute l’Amérique. Cela se passait en 1973. Cette année-là parut Sybil, un livre racontant l’histoire d’une femme souffrant du trouble de la personnalité multiple. On connaissait jusque-là des cas de « dédoublement de la personnalité » qui avaient hanté l’imaginaire de la Belle Époque. On connaissait l’histoire de Docteur Jekyll et Mister Hyde, sans trop savoir si cela correspondait à des troubles réels ou s’il s’agissait de pures fictions. On connaissait aussi le cas des « hystériques » de Jean Martin Charcot, ces femmes en proie à des crises spectaculaires, changeant brusquement de personnalité et de timbre de voix, qui se mettaient à parler des langues bizarres, hurlaient des insanités, pleuraient, riaient, puis se réveillaient sans se souvenir de rien. On y voyait une analogie évidente avec les récits de possession démoniaque. Puis la « grande hystérie » avait disparu de la scène, les psychiatres n’évoquant que rarement des cas de « dissociation de personnalité ».

Avec Sybil, un nouveau cas extraordinaire apparaissait. Lors des séances de psychothérapie menées avec la psychanalyste Cornelia Wilbur, Sybil se transformait : seize personnages, avec des noms et des souvenirs très différents, surgissaient régulièrement au cours des séances d’hypnose. Certains de ces personnages racontaient des souvenirs d’enfance où il était question de maltraitances et d’abus sexuels. Ce cas exceptionnel attira l’attention de la journaliste Flora Rheta Schreiber, qui décida d’en faire le récit. C’est ainsi que le livre Sybil fut un best-seller, suivi en 1976 d’un film. Mais bientôt le cas Sybil connut un succès inattendu. D’autres cas similaires apparurent alors un peu partout en Amérique. Des lectrices se reconnaissaient dans Sybil. Des psychologues découvraient dans leur cabinet des cas semblables. En quelques mois, des centaines de nouveaux cas, puis des milliers, furent répertoriés. Tous n’étaient pas aussi spectaculaires que Sybil. Mais tous répétaient à peu près le même schéma. Au cours de séances de psychothérapie, les patients se transformaient en de nouveaux personnages. Des souvenirs d’enfance émergeaient où il était question de viol et d’inceste…