Les quatre familles du catholicisme français

L’engagement politique des catholiques ne se résume pas à l’image que la Manif pour tous a pu en donner. Il va de gauche à droite, de l’aide humanitaire aux sans-papiers à la lutte contre l’avortement.

À la fin des années 1970, dans un ouvrage devenu classique, Guy Michelat et Michel Simon ont montré qu’il existait une forte corrélation entre l’intensité de la pratique religieuse et le vote à droite : plus un catholique assiste régulièrement à la messe, plus la probabilité qu’il soit un électeur de droite augmente 1. Ce constat n’a jamais été invalidé. Les élections présidentielles de 2012 en ont donné une nouvelle illustration. Au premier tour, selon un sondage Harris Viadeo commandé par La Vie, les pratiquants ont voté à 47 % pour Nicolas Sarkozy (alors que ce choix ne représente que 29,6 % des électeurs), à 17 % pour François Bayrou, à 15 % pour Marine Le Pen et enfin à 14 % pour François Hollande  2. Au second tour, ils auraient voté à 79 % ou à 66 % pour le président sortant selon les estimations 3. Longtemps, les catholiques pratiquants ont été plus réticents que le reste des Français à voter pour le Front national. Les dernières élections manifestent qu’ils sont désormais plus nombreux, surtout chez les jeunes, à accorder leurs suffrages au parti de M. Le Pen 4.

Contrairement aux autres pays de tradition catholique, la démocratie chrétienne ne s’est jamais véritablement implantée en France. Quand on les interroge, les catholiques, comme bien des Français, avouent voter par défaut plus que par adhésion. Les partis ne leur semblent pas l’espace le plus adéquat pour « servir » avec « désintéressement » la société 5. Par conséquent, le vote n’est pas la meilleure entrée pour saisir leurs convictions politiques. Leur civisme s’exprime plus souvent par des engagements associatifs ou par un mode de vie délibérément contre-culturel. Parmi les catholiques les plus engagés, quatre univers de sensibilités sont repérables 6.

 

1 ◊ Les fraternels au service des exclus

Pour les catholiques fraternels, Jésus est celui qui inclut l’exclu. Il transgresse l’ordre social de son époque pour manifester la miséricorde de Dieu. Il soigne les lépreux, pardonne la femme adultère. Pour ces catholiques, être fidèle à Jésus, c’est adopter une posture d’accueil et de compassion. Ils aiment que la messe soit un temps d’accueil et de communion où chacun peut avoir sa place : hommes et femmes ; divorcés remariés et homosexuels ; Français et étrangers. Héritiers revendiqués du concile Vatican II, ils apprécient le pape François et se reconnaissent bien dans sa définition de l’Église comme « hôpital de campagne ». Ils sont très engagés au Secours catholique, au Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD-Terre solidaire), ou à l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat). Ils sont très regardants sur la place qui est faite aux exclus. Que ce soient les migrants, les réfugiés, les précaires ou les SDF. On les trouve en première ligne dans le secours aux habitants de la « Jungle » de Calais. Les fraternels sont massivement composés de retraités et par conséquent leur civisme passe par le bénévolat et un soutien financier aux ONG chrétiennes et moins par un militantisme partisan direct. En politique, la construction européenne leur semble nécessaire pour éviter les replis identitaires. Plutôt centristes, leur positionnement explique que le vote François Bayrou soit surreprésenté parmi les catholiques pratiquants.