Les ramifications américaines de la psychanalyse

Ils ne savent pas que je leur amène la peste. »La fameuse formule qu’aurait lancéeSigmund Freud* à Carl Gustav Jung* dans le bateau qui les menait en Amérique n’a peut-être jamais été prononcée (1). Elle est néanmoins vraisemblable du fait des doutes réels qu’exprimait le père de la psychanalyse quant à la capacité des Américains à l’accepter. Nous étions en 1909. Freud était invité à la Clark University de Worcester, État du Massachusetts. William James*, qui régnait alors en maître sur la psychologie américaine, était là pour l’écouter.

Dès les années 1920, la plupart des grands psychiatres ont pourtant adopté les thèses essentielles de la psychanalyse. L’implantation du freudisme sera renforcée par l’arrivée de la vague d’immigration des Juifs européens dans les années 1930 (Karen Horney, Heinz Hartman, Erich Fromm, Geza Roheim, René Spitz, Heinz Kohut…). Melanie Klein* et Michael Balint, qui firent partie de la même vague d’immigration, s’installèrent, eux, en Angleterre et eurent une influence très forte aux États-Unis.

Après guerre, la psychanalyse va connaître un extraordinaire engouement aux États-Unis. Nathan Hale, historien de la psychanalyse américaine, parle même d’une sorte de ruée vers l’or (gold rush) qu’il situe à la fin des années 1940. Fortement implantée dans le milieu psychiatrique parmi les intellectuels et les artistes, elle commence à toucher les classes moyennes cultivées, parmi lesquelles l’analyse devient une pratique courante. Enfin, à partir des années 1950, elle fait l’objet d’une très large vulgarisation dans le grand public.