Les religions se radicalisent-elles ?

Des groupes radicalisés, minoritaires, existent dans toutes les religions. Dans notre société sécularisée, leurs revendications engendrent plus de crispations qu’ailleurs.

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Un tour du monde nous montrerait que les actions radicales sont le fait, il est vrai dans des proportions très inégales, de presque toutes les religions : boud- dhisme, christianisme, hindouisme, islam, judaïsme. Aujourd’hui, cette question de la radicalisation se pose particulièrement à propos de l’islam : on se soucie de « déradicalisation », on s’inquiète de prêches du vendredi distillant la haine, on s’interroge sur les conséquences du retour en France de djihadistes et de leurs enfants.

Si toutes les religions peuvent se radicaliser et devenir meurtrières, reconnaissons qu’au 21e siècle, elles sont aussi souvent des facteurs de pacification et de dialogues fructueux. Plusieurs d’entre elles, sous la pression de la démocratisation et de l’affirmation des droits de l’homme, ont effectué un travail considérable de réinterprétation de leur tradition qui leur a permis d’intégrer dans leur système religieux le respect des droits humains fondamentaux et de la séparation du politique et du religieux. C’est particulièrement le cas du christianisme. D’autres traditions religieuses, notamment l’islam, sont beaucoup moins avancées dans un tel processus de réinterprétation de leurs textes et traditions. La Conférence internationale sur l’islam au 21e siècle qui s’est tenu à l’Unesco les 26-27 février 2019 l‘a explicitement reconnu. Tout en proclamant que « la réforme de l’islam » était « irréversible » et que l’islam ne pouvait pas être abandonné « aux radicaux », elle a convenu que la modernisation de cette religion avait été rendue plus difficile en raison de « l’émergence de l’islam radical, militant et violent ».

Mais comment définir la radicalité religieuse ? On peut adhérer fortement aux doctrines d’un groupe religieux, pratiquer régulièrement ses rites et suivre rigoureusement ses prescriptions tout en assumant ce choix librement et sans l’imposer à qui que ce soit. La religion peut se manifester par des pratiques alimentaires et vestimentaires différentes qui constituent une altérité par rapport aux normes et coutumes de la société environnante. Ces pratiques différentes et visibles peuvent étonner, interroger – d’autant plus que les pratiques chrétiennes se sont faites très discrètes –, mais tant que les lois de la République et l’ordre public sont respectés, on ne voit pas au nom de quoi, en démocratie, on pourrait les interdire. L’altérité, l’intensité et la visibilité de pratiques religieuses ne signifient pas en soi qu’il y ait radicalisme.

Tensions avec la société

Le radicalisme religieux peut se traduire par diverses formes de retrait du monde. L’érémitisme et le monachisme en sont les exemples les plus classiques 1. Mais certains ne se contentent pas de se retirer de la société, ils la diabolisent, considérant qu’elle est le lieu du péché et du règne de Satan. Cette propension au retrait peut être favorisée par des croyances eschatologiques selon lesquelles la fin du monde est proche, une fin pouvant inclure le retour d’un Messie et un « jugement dernier » scellant la destinée de chacun dans l’au-delà.