Trois questions à... Jean-Louis Laville

« Les services à la personne obéissent aussi à une logique solidaire »

Vous écrivez que l'essor de la relation de service met en cause la théorie économique orthodoxe...

C'est vrai. Pour la théorie économique orthodoxe l'existence d'un marché suppose par exemple que le producteur et le consommateur puissent former leurs préférences indépendamment l'un de l'autre. Or toute relation de service questionne cette indépendance puisqu'elle instaure une coproduction du service, par l'interaction entre le prestataire et le bénéficiaire.

La relation de service remet également la prétention à définir l'économie comme une sphère autonome, caractérisée par la production d'objets matériels. Cette définition n'est guère tenable avec la tertiarisation de l'économie, d'abord parce que les services ont un contenu immatériel, ensuite parce que nombre d'entre eux supposent une imbrication entre les domaines économiques, sociaux et culturels. Certaines prestations font ainsi l'objet de transactions monétaires alors qu'elles relèvent du domaine social : c'est le cas par exemple des services à la personne. Ces activités s'effectuaient auparavant à l'ombre des relations domestiques. Elle pénètrent aujourd'hui dans la sphère monétaire et deviennent pour cette raison plus visibles.