Les «trucs» des meilleurs thérapeutes

Chaque thérapeute a son style : certains font « hmm, hmm », d’autres considèrent une prise en charge comme une partie d’échecs, d’autres encore se veulent dans l’empathie totale. Mais les plus efficaces ont-ils des techniques personnelles particulières ?

Un psychanalyste toulousain a relaté à la journaliste Florence Aubenas 1 son analyse avec Jacques Lacan : « Un jour, il m’avait giflé et j’en gardais un souvenir inouï, un tournant. Quand j’ai ouvert mon cabinet, j’ai fait pareil. J’avais du mal à voir quel autre type de fidélité je pouvais avoir avec Lacan que de refaire ses gestes. » D’autres brutalités ont été attribuées au maître, depuis la fumée de cigare soufflée au visage du patient jusqu’aux coups de pied au derrière, lors des séances durant parfois quelques minutes à peine. À l’occasion, certains praticiens historiques s’autorisaient non à botter les fesses de leurs patientes mais à les caresser (Wilhelm Reich), ou à prendre ou baiser leurs mains (Sandor Ferenczi). Albert Ellis, inventeur de la thérapie rationnelle-émotive préfigurant les thérapies cognitives, faisait preuve d’un humour iconoclaste, conseillant, par exemple, aux messieurs trop timides d’entrer dans une pharmacie bondée pour réclamer à la cantonade un lot de préservatifs, avec une ristourne. Le fin du fin pour surmonter une bonne fois sa honte, précisait-il, c’était même de demander des préservatifs de petite taille…

Depuis les obscurs et les sans-grade jusqu’aux plus renommés qui ont inventé leur propre thérapie, chaque psy, avec l’expérience et suivant les patients, trouve et affine son style, s’autorisant un certain éclectisme qu’on ne lui a pas appris à l’université. Pour autant, existe-t-il des trucs réputés infaillibles et qui soient standardisables, c’est-à-dire qui pourraient marcher quasiment à coup sûr quels que soient la chapelle théorique du thérapeute et les problèmes du patient ? Intuitivement, on se dit que non. Ce serait trop facile. Et puis, les petites ficelles du thérapeute seraient de toute façon insuffisantes, puisqu’une thérapie se fait à deux (et parfois plus, en groupe). Et pourtant… Pour nous en tenir au seul cadre des thérapies individuelles, les tentatives de modéliser une thérapie efficace sont nombreuses. Certes pas dans une perspective psychanalytique ni en art-thérapie, par exemple, où l’absence d’attentes précises et la surprise sont essentielles. Mais les TCC, y compris leur satellite, l’EMDR, ou les plus récentes d’entre elles incluant des séances de méditation, se basent, elles, sur des protocoles scientifiquement évalués dont le respect maximise les chances de succès (sans les garantir), pourvu que l’hypothèse diagnostique s’avère correcte et que les objectifs de la prise en charge soient pertinents.

Thérapies cognitives et stratégiques

De tels protocoles n’interdisent aucunement l’ajout de techniques pratico-pratiques permettant d’assurer le bon déroulement et la fluidité des séances. Dans L’Alliance thérapeutique (Retz, 2006), le psychiatre Charly Cungi, qui s’inscrit dans la mouvance TCC, ne parle pas de « trucs », bien sûr, mais de méthodes spécifiques à utiliser pour favoriser et maintenir l’alliance thérapeutique, non seulement dans le cadre psychothérapeutique mais aussi dans la relation de soins en général. Il préconise, par exemple, la méthode dite des « 4R ».

– R comme Recontextualiser : circonscrire la plainte du patient (du style « Tout va mal ») à des faits représentatifs précis : « Qu’est-ce qui va le plus mal ? La dernière fois que vous avez ressenti cela, c’était quand ? » Ce qui permet d’éviter de se battre contre des moulins.

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– R comme Reformuler : faire exactement écho au patient verbalement. Soit en répétant purement et simplement, mot à mot (« Je n’y arrive plus, c’est trop dur… »), soit en lui demandant de préciser un terme ambigu, soit en formulant une hypothèse à faire valider par le patient (« C’est un cercle vicieux ? »).