Les vulnérables

Les vulnérables. La démocratie contre les pauvres. Hélène Thomas, Le Croquant, 2010, 254 p., 20 €
Éradiquer non plus la pauvreté mais les pauvres eux-mêmes : telle serait la nouvelle orientation des démocraties libérales. À première vue, la thèse est douteuse, voire choquante. C’est cependant celle que soutient Hélène Thomas, docteure en sociologie de l'EHESS et membre du réseau scientifique Terra (Travaux Etudes Recherches sur les Réfugiés et l'Asile), qui diffuse des travaux de recherche sur les questions d’exclusion sociale. Depuis la fin des années 1980, souligne l’auteure, les pauvres ne sont plus, dans la bouche des gouvernants des démocraties européennes, des individus malheureux ayant droit à l’aide de leurs concitoyens au nom de la fraternité et de l’égalité. Ils doivent se conformer aux comportements attendus d’eux s’ils veulent être aidés économiquement et accompagnés par les institutions sociales : le devoir pour l’assisté de vivre dignement est la contrepartie de l’aide des pouvoirs publics. Selon H. Thomas, nous assistons au retour, en ce début de XXIe siècle, des politiques hygiénistes et coercitives issues du passé. S’il n’est plus question de l’Hôpital général où l’on confinait les indigents, les pauvres sont aujourd’hui tout autant écartés physiquement de la communauté des citoyens intégrés. La relégation s’opère dans les quartiers dits « sensibles », ou les centres de rétention pour migrants. Dans son ouvrage, très documenté, qui ressemble en certains passages à une machine de guerre contre les politiques sociales et migratoires actuelles, H. Thomas diagnostique les signes d’une rupture dans les dispositifs d’intervention sociale en France et en Europe, qui place les « vulnérables » de plus en plus à l’écart des droits protégeant le citoyen.