Les luttes contre les discriminations sont entrées dans une nouvelle ère. Depuis l’accès des minorités (qu’elles soient raciales, de genres, d'orientations sexuelles) aux droits civiques dans nos sociétés, au cours de la seconde moitié du XXe siècle, le combat contre les préjugés se joue sur le terrain psychologique – entre autres. De nombreuses initiatives sont engagées au niveau social, comportemental ou cognitif. Mais leur efficacité fait souvent défaut et le pessimisme prend de l'ampleur, notamment pour la problématique du racisme.
Vers une égalité de fait : la discrimination positive
Pour favoriser l'égalité entre les individus, certains prônent une réponse structurelle comme la « discrimination positive ». Le concept est exposé dans l'ouvrage de Patrick Scharnitzky (docteur en psychologie et maître de conférences à l'université d'Amiens), Les pièges de la discrimination (1). L'auteur s'appuie sur la définition donnée par Gwénaële Calvès (professeure de droit public à l'université de Cergy-Pontoise) : « La discrimination positive vise à promouvoir entre les groupes une plus grande égalité de fait (…). Elle s'inscrit dans une logique de comblement d'un écart (…) et suppose donc, plus qu'un traitement différencié, un traitement préférentiel. Par définition, celui-ci a pour vocation de disparaître lorsque le groupe concerné (…) aura rattrapé son retard par rapport au reste de la société. » Cette notion trouve son origine dans les programmes américains d'affirmative action qui ont pour but de « déracialiser » la société américaine dans les domaines du travail, de l'admission dans l'enseignement supérieur et les marchés publics. Il s’agit de faire en sorte que la « race » ne soit plus prise en compte.
La discrimination positive est toutefois loin de faire l'unanimité. Certes, des recherches montrent que ses bénéficiaires sont portés dans une dynamique de valorisation sociale. Mis en confiance, ils s'investissent plus dans leurs études ou dans les entreprises qui les engagent. Cependant, les théories de la stigmatisation mettent en évidence qu’ils seront perçus comme moins compétents et efficaces que ceux dont l’engagement est basé uniquement sur leur mérite. L’estime de soi est aussi en jeu, le sujet pouvant mal vivre le fait de bénéficier d’un traitement de faveur. Puisque c’est par un « privilège » qu’il a été choisi, il peut penser qu’on attend davantage de lui, et qu’il doit encore plus montrer de quoi il est capable. Cette pression peut s'avérer préjudiciable et conduire le candidat à adopter in fine un comportement confirmant les stéréotypes que les autres avaient de lui. Par ses nombreux effets pervers, la discrimination positive peine donc à s'imposer comme une solution pleinement satisfaisante, malgré sa dynamique frontale et volontaire.