On les appelle fablab, hackerspace ou encore « tiers lieu ». Ils fleurissent dans le terreau urbain, souvent dans des friches industrielles en réhabilitation. Comment fonctionnent-ils ? Qui sont les makers, ces jeunes adultes qui s’y retrouvent pour travailler ? Trois sociologues ont mené une enquête dans plusieurs dizaines de ces lieux en France et à l’étranger. Selon eux, les makers incarnent une tout autre manière de pratiquer le travail. Refusant les productions en série ou à la chaîne, ils conçoivent des objets pièce par pièce. Ils se groupent en fablabs pour inventer et échanger leurs connaissances. Les fablabs sont non seulement des lieux de production, proches de l’atelier d’artisan, mais aussi des lieux d’apprentissage et de solidarité. La coopération bienveillante est de mise : l’ignorant n’est pas moqué et l’on offre son aide à celui qui est en difficulté.
La plupart des makers ont entre 20 et 40 ans et sont diplômés du supérieur. Ils exercent ou ont exercé des métiers tels qu’ingénieur, développeur de projets, designer, artiste, architecte ou encore animateur multimédias. Ils s’appuient sur les nouvelles techniques de fabrication (les imprimantes 3 D) et de communication (Internet), pour travailler, mutualiser leur savoir et tisser des réseaux. Ce sont des « touche-à-tout » : leur parcours alterne des périodes d’emploi salarié et de travail indépendant ou encore des expériences dans les mouvements associatifs, notamment ceux de l’éducation populaire. Plutôt hostiles à la propriété privée des biens et des idées, ils militent notamment pour la mise en place du copyleft, le droit pour tout utilisateur de copier une œuvre, voire de la remanier librement, à condition d’accorder ce droit à autrui. L’enquête montre avec brio que les makers constituent bien une culture et une communauté alternatives. Reste cependant à mesurer la portée réelle des changements économiques que suscitent ces nouvelles formes de travail.