Secrétaire général de l’Association des Psychologues du Sénégal, Mamadou Mbodji est docteur en psychologie clinique et psychopathologie de l’Université Paris X Nanterre, psychothérapeute depuis une trentaine d’années, enseignant-chercheur à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar depuis 1982 et titulaire depuis 1990. Quels sont les motifs de consultation les plus fréquents ? Comment concilier l'approche occidentale des troubles mentaux avec des systèmes de représentation traditionnels ? Quelle est son orientation théorique ?
Quelles sont les psychopathologies que vous rencontrez le plus fréquemment chez vos patients ?
Les pathologies anxio-dépressives, les problèmes conjugaux, le déficit de communication, l’absence de dialogue avec le conjoint, les problèmes de jalousie et des conflits relationnels avec la belle-famille, viennent au premier rang des motifs de consultation adulte avec une forte prédominance féminine. Nous rencontrons toutes les pathologies anxio-dépressives, les pathologies névrotiques et certaines pathologies psychotiques, comme partout ailleurs dans n’importe quelle partie du globe. A ces pathologies-invariants viennent s’ajouter ou s’articuler des troubles ou pathologies liés aux systèmes culturels de croyances et de représentations des troubles mentaux ou relationnels consécutifs ou attribués à une possession par un esprit, à une attaque par un djinn [mauvais génie dans ce contexte], à une agression relevant d’une pratique magico-religieuse handicapante, le maraboutage, ou encore à une attaque par un sorcier-anthropophage. Il faut tout de même préciser qu’il est rare que les sujets viennent consulter le psy pour ces figures persécutrices traditionnelles ; mais dans leurs plaintes, dans leur discours comme dans leurs symptômes, ces personnages agresseurs sont toujours présents, explicites ou sous-entendus.
Les consultations infantiles, quant à elles, sont habituellement motivées par des troubles dysfonctionnels divers, par des contre-performances scolaires, par des troubles du comportement ou par des conduites délictuelles souvent mineures. Les manifestations dysfonctionnelles les plus fréquentes concernent l’alimentation, le sommeil, la lecture et l’orthographie, le langage, les troubles de l’attention et de la mémoire, les troubles de la croissance ou encore l’énurésie. D’autres motifs de consultation concernent des troubles relationnels à la maison, à l’école et avec les camarades de jeu, ou des troubles du comportement : refus de parler, enfant non communicatif, pleurs incessants, fugues multiples, larcins fréquents, difficultés scolaires, repli sur soi, trop grande tendance à la fabulation, agressivité, conduite d’opposition systématique à tout et à tout le monde, enfant décrit comme particulièrement difficile, intraitable et qui, aux entretiens, se révèle d’une très grande émotivité.