La maladie d’un parent fait craindre la séparation aux enfants et aux parents eux-mêmes. L’angoisse de l’avenir, devenu plus incertain, conduit alors souvent à cesser de s’y projeter alors que les enfants en ont besoin pour grandir. Partant de son expérience de psychiatre en chef de l’unité de psycho-oncologie de l’Institut Gustave Roussy, Sarah Dauchy s’est associée à Anne de la Brunière, journaliste et Savine Pied, illustratrice, pour livrer un album délicat, invitation au dialogue parent-enfant quand la vie se fragilise. La maladie n’est pas directement évoquée. Il s’agit plutôt de guider l’enfant vers la conscience qu’il peut être autonome, demain, grâce à l’héritage moral et intellectuel que ses parents lui ont légué, grâce à l’amour inconditionnel qu’il lui ont donné, grâce aussi au fait qu’il est une personne à part entière. L’objectif est qu’il abandonne petit à petit l’idée de dépendance à sa mère pour exister par lui-même. Au fil de petites scènes toutes simples de la vie quotidienne, une petite fille et sa mère rêvent ensemble d’avenir. La fillette, d’abord inquiète de savoir si sa mère sera là quand elle grandira, s’aperçoit que l’amour de sa mère l’accompagnera toujours, même si elles sont séparées. Le dialogue est ici tout naturel, comme il doit l’être malgré la peur de mettre des mots sur ce qui fait si peur. « A l’annonce de leur maladie, les parents ressentent une incertitude, une perte de contrôle et, l’une des façons de reprendre la contrôle, c’est d’être dans l’ici et maintenant, de regarder moins loin, à moyen terme, voire à court terme. Sauf que nos enfants ont besoin de voir plus loin. L’idée de cet ouvrage est de rappeler aux patients qu’on a toujours le droit de rêver d’avenir. Les enfants ont besoin de se projeter et, même ceux qui n’auront pas la chance de voir leurs parents assister à toutes les étapes de leur croissance seront infiniment plus riches et armés si ces étapes ont été regardées, envisagées ensemble » explique Sarah Dauchy, dont cet ouvrage a été largement inspiré des échanges avec ses patients qui luttent contre le cancer. Un ouvrage interactif à lire à quatre mains, mais que l’enfant peut aussi s’approprier seul grâce à des pages ludiques où il pourra répertorier ce qu’il a de papa, ce qu’il a de maman - toutes choses que personne ne lui prendra ! -, puis ce qu’il est lui et qui fait sa force. Il peut imaginer et mettre en mots quel métier il fera plus tard, où il habitera, ce qu’il deviendra. « Ce qui est insupportable pour un parent malade, c’est de se dire que son enfant risque de vivre ce qu’il y a de pire, le deuil de son parent mais qu’en plus il ne sera pas là pour l’aider à surmonter cette épreuve. Or, même si on n’est pas là pour l’accompagner aussi loin qu’on voudrait, l’enfant a en lui les germes de son autonomie, de ses compétences et de la confiance qu’on peut lui faire » rassure Sarah Dauchy. Alors, que répondre finalement à la fameuse question « Maman, seras-tu là » ? Pour Sarah Dauchy, la bonne réponse, c’est ni oui, ni non. Il faut dire simplement à son enfant que l’on ne sait pas si l’on sera là mais qu’on l’aime, qu’on l’aimera toujours, que ce projet d’enfant remonte à très loin et que cet enfant va grandir et devenir autonome quoi qu’il arrive. Cet ouvrage apaisant, s’il a été conçu pour accompagner les familles dans l’épreuve de la maladie, est aussi à conseiller à tous les parents et enfants sans exception. Il traite plus largement de la séparation et les séparations, toujours redoutées, jalonnent toute existence. Si douloureuses soient-elles, elles permettent de réaliser qu’on n’a jamais fini de grandir et d’espérer.
Marc Olano