Marcel Nuss : Sexualité et handicap, une question vitale

La sexualité des personnes handicapées reste un tabou à briser. Si la misère affective et sexuelle est universelle, le handicap la rend plus violente encore. Marcel Nuss milite pour une légalisation de l’accompagnement sexuel qui réconcilie les personnes handicapées avec un corps qui leur échappe.

Poète, essayiste et consultant, Marcel Nuss se bat depuis des années pour l’autonomie des personnes handicapées. Fondateur de la CHA (Coordination handicap et autonomie) et aujourd’hui membre du Strass (Syndicat du Travail Sexuel), il anime des formations pour les professionnels du social et du médico-social. Auteur de nombreux ouvrages, il revendique haut et fort dans Je veux faire l’amour (parution novembre 2012 aux éditions Autrement) le droit des personnes handicapées à avoir recours à un accompagnement sexuel legalisé.

 

Vous vous battez avec force pour l’accompagnement sexuel des personnes handicapées. Pourquoi ce combat est-il si important pour vous ?

Parce que c’est absolument vital. Moi, par exemple, je n’ai aucun contact avec mon corps depuis l’âge de 7 ans, donc depuis 40 ans. Je ne peux absolument pas me toucher. Les seuls moments où l’on me touche sont ceux où l’on me fait prendre ma douche et où l’on m’habille. Je suis déconnecté, coupé de mon corps. Dans les institutions, cette déconnexion vire carrément à la désincarnation. On ne prend même pas le temps de faire correctement une toilette. La plupart du temps, c’est fait de façon mécanique. Vous devenez un objet. Et là, vous pétez les plombs ! L’accompagnement sexuel permet de rentrer de nouveau en contact avec son corps, de se réincarner. C’est en cela qu’il est vital.

 

Votre combat a-t-il pour l’heure fait advancer les choses ?

Pour l’instant, c’est stand by. En juin 2011, Roselyne Bachelot a demandé un rapport au Conseil consultatif national d’éthique, dont des membres sont d’ailleurs venus me consulter. Ce rapport ne devrait pas tarder à être publié, et ses conclusions seront déterminantes pour la suite des choses. Néanmoins, je reste prudent car Najat Vallaud-Belkacem, la ministre des Droits des femmes, a clairement dit et répété qu’elle voulait instaurer l’abolitionnisme. Je dirais plutôt le néo-abolitionnisme puisque de toute façon, la France est abolitionniste depuis des décennies. Notre nouvelle ministre voudrait copier le modèle suédois en pénalisant les clients des professionnels du sexe, ce qui est complètement débile et surtout anti-démocratique. Cela prouve une méconnaissance ahurissante du problème. Mais elle bénéficie du soutien de certains partisans purs et durs de l’éradication de la prostitution. Un objectif d’ailleurs totalement utopique. D’autres, en revanche, sont partisans de l’idée que chacun fait ce qu’il veut de son corps, donc partisans d’une règlementation. Vous savez, je compare ce qui arrive actuellement à la loi Veil sur l’avortement. C’était la même polémique. Je me suis même récemment fait traiter de nazi… Aujourd’hui, il y a toujours des anti-avortement mais ça n’empêche pas la loi d’exister. Il faut continuer le combat.