Maroc : La révolution tranquille ? Rencontre avec Mohamed Tozy

Le 20 février 2011, des manifestations ont lieu dans plusieurs villes marocaines. Dans la foulée s'est créé un mouvement - le mouvement dit "du 20 février" -, qui exige un changement de constitution et des réformes démocratiques. Le roi Mohammed VI promet une réforme constitutionnelle, adoptée par référendum le 1er juillet dernier. Mais alors que de nombreux observateurs vantent la réactivité de la monarchie, le mouvement du 20 février poursuit ses revendications. Le politologue Mohamed Tozy revient sur le contexte politique au Maroc.

Quels principes ont présidé à la récente réforme constitutionnelle ?

Certaines questions de fond ont structuré ce chantier de réformes : cela consistait d'abord à rappeler que la source exclusive de la souveraineté est le peuple, puis à affirmer la suprématie de la constitution sur toute autre forme juridique, qu’elle soit traditionnelle ou religieuse. Le credo était : toute la constitution et rien que la constitution. La réforme constitutionnelle rend impossible l’introduction de révisions qui remettent en cause les choix démocratiques et les acquis dans le domaine des droits de l’homme.

Il s’agissait en outre de repenser le statut de la monarchie, qui devient une institution constitutionnelle comme les autres et dont les pouvoirs sont tirés exclusivement de la constitution. Ces questions peuvent paraître banales, mais la pratique constitutionnelle des cinquante dernières années les a malmenées. N’oublions pas qu’il existe un courant au Maroc qui tente de justifier les pouvoirs temporels du roi par leur origine religieuse et qui veut faire de la Shari’a une norme supra-constitutionnelle.

Les plus importantes nouveautés apportées par la réforme constitutionnelle sont liées au fait que le gouvernement n’est plus responsable devant le roi. Le roi ne peut user directement du pouvoir que dans des situations exceptionnelles. Le monopole du pouvoir législatif revient au Parlement, le roi ne peut légiférer. La constitution consacre donc désormais un type particulier de parlementarisme. Le parti vainqueur des élections est assuré de diriger le gouvernement. Une majorité structurée et forte oblige le roi à composer avec elle.