Médias, l'ère de l'hyperconcurrence ?

Diversification de l’offre, quête de nouveaux modèles économiques, redéfinition du métier de journaliste : les médias français sont en plein chamboulement. Au cœur de la tourmente, le rôle de l’État reste central.

L’espace médiatique français s’est profondément reconfiguré depuis la fin des années 1970. À l’image des autres pays européens, la France est désormais marquée par une situation d’« hyperconcurrence » entre supports et entreprises médiatiques. L’entrée dans cette ère s’est déclinée en trois temps : la multiplication des titres de la presse magazine depuis le milieu des années 1970 a été suivie par la libéralisation du secteur de l’audiovisuel dans les années 1980, puis par l’expansion d’Internet et des services de téléphonie mobile au milieu des années 1990. La surabondance de l’offre médiatique a intensifié la compétition pour la conquête des publics et des revenus publicitaires.

Ce processus a ébranlé les anciennes hiérarchies. La prospérité relative des magazines « grand public » contraste avec le déclin de la diffusion de la presse quotidienne payante nationale et, depuis les années 1990, régionale (1). Dans l’univers télévisuel, la diversification continue de l’offre sur le câble, le satellite et la TNT entraîne une dispersion de l’audience qui remet en cause la position dominante des grandes chaînes hertziennes (TF1 en tête). Certains voient là une dynamique de « démassification » des productions médiatiques, de plus en plus ajustées aux attentes spécifiques de « cibles » fragmentées. L’interactivité offerte par le Web exacerbe ce processus, en favorisant le développement d’informations « à la carte », de paiement à la demande, ce qui tranche avec les principes d’une programmation centralisée et identique pour tous les publics. Les évolutions en cours sont cependant loin d’être univoques. Et la domination persistante des stations généralistes sur le marché radiophonique montre que l’on ne saurait décréter la fin des médias « de masse ».

 

La reconfiguration des modèles économiques

La surabondance de l’offre a néanmoins renforcé le poids des contraintes marchandes sur l’ensemble des marchés médiatiques. Plus qu’autrefois, les médias doivent produire des contenus attractifs, pour retenir l’attention de publics jugés « surinformés » et « zappeurs ». Cela s’observe non seulement dans la sophistication croissante de la mesure des audiences et des « impacts publicitaires », mais également dans le renouvellement constant des maquettes et des « formules », définies selon des principes empruntés à la publicité et au marketing (2). Dans les médias audiovisuels, le succès des talk-shows et des programmes de « téléréalité » reflète un métissage croissant des genres informationnels, fictionnels et ludiques (3). Les sources d’information doivent alors elles aussi ajuster leur communication aux nouvelles exigences de ce « journalisme de communication », à travers lequel les rédactions « tentent d’établir avec le public (…) des liens de connivence et d’intersubjectivité (4) ». Pour bénéficier d’un accès routinier à l’agenda médiatique, les communicants de l’Élysée doivent ainsi « fabriquer » des événements télégéniques et puiser dans les répertoires du storytelling.