Méditer en cravate

La méditation s’ancre désormais dans le quotidien des entreprises, pour le bien-être de ses salariés. Simple effet de mode ou réel antidote au stress ?

La méditation. Il suffit de l’évoquer pour que l’on imagine de suite un moine en position du lotus face à une forêt luxuriante, une femme assise en tailleur, vêtue de blanc, les bras posés sur les genoux face à une mer calme, ou encore un homme au sommet d’une montagne verdoyante. Tous solitaires. À présent, pour vous représenter ce qu’est la méditation en entreprise, remplacez l’habit tibétain par le costume trois pièces ou le jean du vendredi, la position du lotus par une simple station assise sur une chaise de bureau, et la forêt luxuriante par une machine à café. Le principe : se rendre témoin de ce qui se passe en nous, de nos pensées, de nos sensations corporelles, de notre respiration, centrées sur la réalité et le moment présent. Tout cela sur notre lieu de travail. Il s’agit là d’une véritable fusion entre une pratique orientale vieille de 3 000 ans et l’entreprise, à savoir un univers aux codes très actuels, où un salarié est en moyenne interrompu toutes les trois minutes par un coup de téléphone, un e-mail ou un texto. « Nous vivons dans une société où l’on a tendance à être toujours dans l’action et où on ne prend plus le temps d’être pleinement dans ce qu’on fait, de profiter pleinement de l’instant » rappelle Rébecca Shankland (1) 1.

Un pont entre sagesse et business

L’introduction des programmes de méditation est relativement récente, les premières études en milieu professionnel étant apparues dans la littérature anglo-saxonne, il y a moins de dix ans. Parmi les contextes de travail examinés, « le milieu médical a bénéficié d’une attention toute particulière en raison de la difficulté inhérente aux conditions de travail affrontées par les professionnels de la santé, et qui a fait du stress et du burn-out des maladies endémiques à cette activité », nous explique Lionel Strub (2) 2. Parallèlement, d’autres milieux professionnels ont joué, à leur tour, le rôle de laboratoire de recherche. Parmi les organisations du travail qui ont ouvert leurs portes à la méditation, nous retrouvons Google en tête du peloton. En 2007 y apparaît le programme « Search inside yourself » développé par Chade-Meng Tan, un des premiers ingénieurs de l’entreprise. Il est mondialement reconnu pour y avoir créé une sorte d’atelier de méditation, au point d’avoir suscité l’intérêt de quelques célébrités internationales, dont l’ancien président des États-Unis Bill Clinton, l’actuel président Barack Obama, l’actrice américaine Gwyneth Paltrow ou encore le Dalaï-Lama. Au siège français de Google, à l’inverse, la méditation est bien moins instituée, et demeure occasionnelle. De plus en plus de dirigeants, notamment ceux des domaines technologiques, s’adonnent à la méditation pour se ressourcer, optimiser leur sang-froid et booster leur concentration. Parmi les plus célèbres, citons Steve Jobs, co-fondateur d’Apple, Jeff Weiner, homme d’affaire chez LinkedIn, ou encore Evan Williams, co-fondateur de Twitter. La France met elle aussi le pied à l’étrier : parmi d’autres, « en 2013, le Centre des jeunes dirigeants, section régionale Rhône-Alpes, a mis en place une commission ‘‘expérimentation de la pleine conscience’’ afin d’en faire bénéficier ses membres volontaires », nous précise Lionel Strub. Individuellement, des salariés s’attellent à la méditation de leur propre initiative, sur la base d’ateliers collectifs, de séances individuelles ou encore d’ouvrages spécialisés… Pour autant, la méditation occidentale reste jeune, encore à un stade embryonnaire en francophonie. Selon Lionel Strub, les cadres sont la cible principale des programmes de pleine conscience. L’idée est de tenter de diminuer l’impact psychologique potentiellement négatif des événements professionnels stressants inhérents à la fonction de manager, en mettant en place des comportements d’approche positifs destinés à le protéger : « L’interprétation des situations stressantes est un point essentiel. L’un des objectifs centraux de la méditation est alors d’amener un changement du style perceptif des expériences et donc de la vision que le manager a de la situation », note Lionel Strub. Rébecca Shankland complète : « Les managers peuvent ainsi améliorer leur capacité à percevoir les besoins des salariés et participer activement à la mise en place d’un climat de confiance qui favoriserait le mieux-être de chacun, tout en conservant une bonne productivité ».