Depuis 1988, Michel-Louis Rouquette, directeur du Laboratoire de psychologie environnementale (CNRS/Paris-V), théorise une curieuse bestiole psychique : le « nexus », soit un mot, un symbole, un slogan qui a le don de précipiter nos émotions et de mobiliser les foules. « Je l’ai appelé comme cela, parce que le terme me semble décrire un nœud indémêlable constitué d’affects, d’émotions, et de sens irraisonnés dans un moment donné d’une société donnée. » Ainsi les mots « patrie », « nazi », « égalité », « guerre », « patriotisme », mais aussi de plus récents tels que « tsunami », « OGM », « McDonald’s », agissent comme des nexus. Ces mots-là ne se discutent pas. On s’y agrège en masse, et pour des raisons propres à chacun qui peuvent être parfaitement contradictoires avec celles de son voisin. « Le nexus est une notion de psychologie sociale et qui relève de la soumission consentie, précise M.‑L. Rouquette. C’est une évidence qui s’impose aux gens. Discute-t-on lorsque la patrie est en danger ? Discute-t-on encore aujourd’hui dans la vie quotidienne de ce qu’est le nazisme ? Et même, discute-t-on de ce slogan récent : “C’est bon pour la planète ?” »
Marc Olano