Moi, Albert, cybernaute et SDF à Honolulu

Maryse Marpsat et Albert Vanderburg, Bréal, 2004, 354 p., 14,50 €.
Depuis plusieurs années, Albert dit la Panthère, sans domicile fixe à Honolulu, tient un journal en ligne. Un cas particulier qui nous apprend pourtant beaucoup sur les conditions des SDF d'ici et d'ailleurs, et sur les stratégies qu'ils mettent en oeuvre pour tenir physiquement et moralement.

« J'ai quitté l'appartement vers 5 h 30, glissant une enveloppe avec les clés sous la porte du gérant... » C'est ainsi que débute le journal en ligne d'Albert la Panthère (The Panther's Tale). Rien qui ne justifie a priori l'attention particulière d'un chercheur tant la pratique de ce type de journal s'est répandue ces dernières années. Sauf que le dénommé Albert est SDF, de surcroît à Hawaii, Honolulu précisément. Le Monde d'Albert la Panthère est le récit d'une double histoire : celle dudit Albert, restituée à partir de son journal intime constitué de plus d'un millier de contes, que tout un chacun peut d'ailleurs consulter à sa guise (www.lava.net/ ~panther/tale.html), et celle de la rencontre fortuite de Maryse Marpsat, chercheuse à l'Ined, spécialiste des SDF, avec Albert dont elle a découvert le journal en ligne en 2001 alors qu'elle cherchait des informations sur le Web, avant de le rencontrer en juin 2003 à l'occasion d'une conférence qui se tenait à Honolulu et de correspondre avec lui.

Singulière, la vie d'Albert la Panthère (Albert Vanderburg de son vrai nom) l'est à plus d'un titre. A commencer par la place importante qu'y occupe la rédaction de son journal en ligne. Albert utilise pour cela un des ordinateurs en accès libre de l'université de Hawaii. Une opportunité que ses compétences en informatique acquises au fil de ses emplois antérieurs lui permettent d'exploiter au mieux, en renouant avec une pratique ancienne : enfant, déjà, il tenait un journal intime.

Pour subvenir à ses autres besoins (alimentaires mais aussi en cigarettes, alcool, drogue...), Albert s'adonne tant bien que mal à l'art de la récupération (mégots, restes laissés par les clients de restaurants...) ou à toutes sortes de petits boulots pourvu qu'ils ne lui rappellent pas son ancienne condition d'employé de bureau... Il peut en outre compter sur l'aide d'anciens amis avec lesquels il a pu rester en contact via Internet, de lecteurs de ses contes, sans oublier les aides sociales qu'il se résout parfois à recevoir, enfin sa pension de retraite qu'il perçoit depuis 2002.