Pourquoi étudier les fondements biologiques de l’homosexualité ou de la transsexualité ? Que peuvent apporter ces recherches à la société en général et aux homosexuels en particulier ?
Cette interrogation scientifique est principalement le fait d’homosexuels eux-mêmes, puisqu’une grande partie des chercheurs travaillant dans ce domaine sont homosexuels. Ils essaient de comprendre pourquoi eux-mêmes sont comme ça. On peut aussi se demander pourquoi on est hétérosexuel, la question est tout aussi intéressante ! La plupart des gens ne se la posent pas pendant leur adolescence, mais les homosexuels se la posent très fréquemment, puisqu’ils sont en désaccord avec la moyenne. Les résultats de ces recherches déculpabilisent les personnes concernées, puisqu’elles suggèrent qu’il s’agit d’un phénomène hormonal ou génétique dans lequel la notion de responsabilité des parents ou des intéressés n’est plus vraiment engagée. Il existe d’ailleurs une corrélation nette entre la perception de l’homosexualité et la persécution dont elle fait l’objet. Les sociétés qui pensent que l’homosexualité est d’origine biologique, que ce n’est pas un choix, sont en général plus tolérantes. Certes, il n’y a pas de raison de se montrer plus tolérant avec un homosexuel qui n’a pas choisi, qu’avec un autre qui a choisi. Mais dans l’esprit des gens, si la notion de responsabilité disparaît, la perception est améliorée.
Vous expliquez dans votre ouvrage que l’orientation sexuelle s’expliquerait par certaines influences génétiques et hormonales précoces non seulement puissantes, mais irréversibles. Tout serait-il joué dès la petite enfance, voire dès le ventre maternel ?
Comme on ne peut évidemment procéder à des expérimentations, on ignore la période critique chez l’humain. On sait néanmoins que les profils hormonaux sont tels qu’il existe une grande différence entre les petits garçons et les petites filles durant la vie embryonnaire. Pendant les deux premiers mois postnataux, les garçons connaissent encore un grand pic de testostérone. Ensuite, il n’y a quasiment plus aucune différence entre garçons et filles jusqu’à la puberté. On a de bonnes raisons de penser que c’est cette période précoce qui joue un rôle clé. C’est bien le cas chez le rat ou la souris, par exemple. On extrapole à l’humain sur la base des profils hormonaux, mais sans manipulation possible. Ces différences hormonales précoces mettent peut-être en jeu des phénomènes très lents à se révéler de manière évidente. Ça ne signifie pas qu’il n’y a pas d’influence du milieu extérieur. La génétique explique grosso modo 50 % de la variance, et les hormones, entre 30 et 50 %. La même partie est-elle expliquée par les gènes et les hormones, on n’en sait rien pour le moment. Chez l’animal, pour créer l’homosexualité, c’est simple, il suffit d’inverser la testostérone. Chez les mouches, on peut enlever certains gènes et elles sont homosexuelles. Sans l’ombre d’un doute, c’est plus compliqué chez l’humain ! Mais nous avons un faisceau d’arguments indiquant que la biologie intervient beaucoup.