Braqueur de banque, as de l’évasion, Michel Vaujour a connu une existence des plus mouvementées. C’est pourtant entre quatre murs qu’il a vécu son aventure la plus exigeante, la plus accomplie, la plus absolue. Suivant le fil du récit de l’ex-détenu, Fabienne Godet retrace pas à pas l’histoire d’un petit caïd de village que ses séjours en prison orientent progressivement vers une brillante carrière de braqueur professionnel. À 25 ans, les dés sont jetés : l’homme a autant d’années de prison à purger que d’années sur les épaules. M. Vaujour appartient bientôt, et ce jusqu’en 1986, à cette poignée d’hommes les plus recherchés de France, de ceux que les prisons ont toutes les peines du monde à garder. C’est cependant sur le temps de la détention que la cinéaste et l’ex-taulard s’appesantissent le plus. Particulièrement sur celui, infini, du quartier de haute sécurité (QHS), où rien ne peut distraire le détenu de la solitude absolue, du vide sidéral auquel il est condamné. M. Vaujour raconte les journées passées à fixer un point sur le mur, manière de focaliser toutes ses facultés vers une visée unique. Pensée dans ses moindres détails, l’évasion sera menée de main de maître. La liberté est cependant provisoire et à plusieurs reprises M. Vaujour aura à nouveau l’occasion de convoquer cette force mentale hors du commun. Il la redéploie pour échapper à un corps diminué par l’hémiplégie. Puis finit par se jeter dans un combat aussi décisif qu’ultime : s’évader de lui-même, d’une destinée de criminel façonnée par la prison. La mise en scène de F. Godet, d’un élégant classicisme, est entièrement au service d’une parole rare. Celle d’un homme libre.
Marc Olano