Néandertal, l'enquête

Le Dernier Néandertalien, Ludovic Slimak, Odile Jacob, 2023, 304 p., 22,90 €.

16872618630_Le-dernier-NeandertalienV2.jpg

Ce livre est un écrit jouissif, un éloge de la patience, vertu cardinale en archéologie. En 2015, devant la grotte Mandrin dans la Drôme, Ludovic Slimak et son équipe mettent au jour un fragment de crâne et des dents néandertaliennes. Une première en France depuis 1979. L. Slimak décide de le dégager à la pince à épiler, grain de sable après grain de sable. Cela dure sept ans. Les restes découverts, dont un fragment de main gauche, sont les héros d’un véritable feuilleton, qui va aboutir au Titanic intellectuel de ce que nous croyions savoir des derniers millénaires d’existence de Néandertal. La précision de la fouille et des analyses stratigraphiques permet en effet de tenir la dragée haute aux analyses moléculaires, qui fournissaient une date trop ancienne et donc aberrante, étant donné le contexte. « Pour la première fois une science humaine mettait une science dite dure en échec et mat ! » exulte L. Slimak. Les spécialistes admirent leur erreur : l’horloge moléculaire n’est pas encore tout à fait au point. Quid des autres fossiles datés, découverts anciennement ou mal positionnés ? Il faudrait tout réexaminer. Le fossile Thorin (référence au roi nain de la montagne dans Bilbo le Hobbit) est désormais le pivot à partir duquel les chronologies vont être reconstruites. Ceci n’est en aucune manière anecdotique : ce Néandertalien, mort il y a entre 50 000 et 45 000 ans, est contemporain de la lente disparition de son espèce, au profit du seul Homo sapiens. Habile conteur, L. Slimak explique tout cela avec lenteur, force digressions et adresses au lecteur, comme un archéologue d’autrefois, à l’époque où la technologie ne tranchait pas trop rapidement le débat.