Notre plus belle histoire d'amour, c'est le chien Entretien avec Laurent Testot

Mais c’est un amour vache ! Depuis 5 000 ans, l’humain a tout fait subir à son plus fidèle compagnon, le transformant en arme de guerre, en bibelot d’apparat, et aujourd’hui en aberration génétique.


> Laurent Testot

Écrivain, journaliste et conférencier, Laurent Testot a dirigé plusieurs ouvrages en histoire mondiale et globale. Son livre Cataclysmes. Une Histoire environnementale de l’humanité (Payot, 2017), a reçu le prix de l’Académie française Léon de Rosen 2018 pour la promotion du respect de l’environnement. Il vient de publier Homo Canis. Une histoire des chiens et de l’humanité (Payot, 2018).


Y aurait-il des chiens sans les humains ?

Non ! Très clairement. Le chien est un loup sélectionné artificiellement pour cohabiter avec l’humain.

Mais pourquoi le loup, alors qu’il a toujours été perçu comme un prédateur, un danger ?

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C’est une énigme qui hante la paléontologie depuis toujours. Traditionnellement, la sédentarisation allait de pair avec la domestication des animaux, pour leur viande. Or le chien ne répondait pas à ce schéma, même si certains peuples en mangent encore de nos jours. Le loup dominait les écosystèmes dans toute l’Eurasie jusqu’à ce que les humains arrivent et induisent une pression écologique sur lui, il y a 30 000 à 40 000 ans. Il s’est rapproché de nous depuis au moins 18 000 ans. Le « truc » de la domestication, c’est qu’on l’a laissé immature : les premiers chiens furent des loups maintenus dans leur adolescence pour qu’on puisse les contrôler.

La chasse est-elle l’une des premières fonctions qu’on ait pratiquées avec le chien ?

C’est ce que soupçonnent certains préhistoriens, sans pouvoir vraiment le prouver. Les loups seraient venus se faire spontanément domestiquer pour entrer en co-évolution avec l’Homme, soit qu’ils aient consommé nos déchets, soit autour de la chasse au grand gibier, il y a entre 35 000 et 15 000 ans. Nous avions en commun de chasser en groupe : eux étaient plus efficaces pour localiser les proies, et nous pour les tuer. Nous formions une sorte d’équipe de tueurs ! Quoi qu’il en soit, sur une Terre qui allait être dominée par l’humain, les loups qui ont en quelque sorte accepté de devenir des chiens ont bien fait de choisir le parti du vainqueur, puisqu’il reste aujourd’hui quelques centaines de milliers de loups sur la planète contre au minimum un demi-milliard de chiens, peut-être un milliard.