Nourrir les hommes. Un dictionnaire

Collectif, Atlande, 2009, 768 p., 25 €
Feuilleter un dictionnaire spécialisé est toujours une expérience particulière. Chaque mot renvoie à des univers qui s’opposent, se contredisent ou se complètent, mais qui tous dessinent le contour d’une même réalité. Les contrastes sont parfois criants : à l’article « faim », on apprend par exemple que la situation alimentaire mondiale s’est dégradée récemment. La proportion des sous-alimentés avait diminué entre 1992 et 2006 de 20 à 16 %. Elle est remontée à 17 % en 2007, et touche 923 millions de personnes issues en majorité de familles de petits agri­culteurs des pays du Sud. L’article « fast-food », qui suit immédiatement, nous entraîne en revanche vers un monde industriel d’abondance, où les problèmes sont l’obésité et les maladies cardiovasculaires.

 

Mais la réalité est aussi parfois simplement gourmande. A l’article « Afrique du Nord/Moyen-Orient », on trouve ce court paragraphe intitulé « Les délices de l’islam » qui expose les points communs au pot-au-feu iranien et au tajine maghrébin, et les similitudes entre pastilla marocaine et börek turque.

Une fois que l’on aura butiné de page en page et fait son miel de quelques délices, ce dictionnaire servira de source d’analyses sur un monde de l’alimentation qui ne manque pas d’enjeux. A l’heure de l’Europe des 27, par exemple, faut-il encore distinguer une Europe de l’Ouest d’une Europe de l’Est ? D’un point de vue agricole, cela se défend, car si l’Europe des 15 a réussi à créer un grand marché grâce à la Pac, les anciennes démocraties populaires, tout juste décollectivisées, ont dû faire face dans le désordre à une chute de leur production entraînée par une difficile mutation des structures agricoles. C’est à un véritable tour du monde que nous sommes conviés, avec quelques tristes nouvelles, dont celle-ci : la France n’est pas (ou plus) championne du monde des mangeurs de fromage, elle n’est que deuxième derrière la Grèce !