«Nous ne voulons pas d'un Disneyland de la psychanalyse» Entretien avec Peter Nömaier

L’ancien appartement et cabinet de Sigmund Freud, dans lequel il vécut 47 ans, sont aujourd’hui aménagés en musée. Ils sont 84 000 visiteurs à s’y rendre tous les ans… dans l’espoir d’y trouver un divan.

Quand il écrivit, dans sa lettre du 12 juin 1900, à son ami Wilhelm Fliess, « crois-tu vraiment qu’il y aura, un jour sur la maison, une plaque de marbre sur laquelle on pourra lire : c’est dans cette maison que le 24 juillet 1895 le mystère du rêve fut révélé au Dr Sigmund Freud », sans doute le père de la psychanalyse était-il loin de se douter qu’on trouverait également, au 19, Berggasse, des boules à neige divan et des gommes « refoulement ». Ou plutôt qu’on y « trouvait ». Car, première surprise, agréable, en pénétrant, trois ans après une première visite, au premier étage de l’immeuble où vécurent Freud et sa famille jusqu’en 1938 : la boutique aux gadgets improbables qui avait transformé Berggasse 19, et ses 84 000 visiteurs annuels, en Disneyland de la psychanalyse, semble s’être rachetée une conduite. Exit le kitsch : la part belle est désormais laissée aux livres. Ceux qui s’attendraient à pouvoir faire des selfies devant le célèbre divan seront également déçus. Il n’est pas ici mais à Londres, où partit Freud, en 1938, après avoir écrit : « Au sentiment de triomphe qu’inspire la libération se mêle trop de tristesse. car on n’a pas cessé d’aimer la prison dont on a été libéré. » Mais, c’est ce que confirme un des responsables du musée, Peter Nömaier, ce dépouillement volontaire est un dispositif très psychanalytique, même si le musée tient à garder son indépendance et n’est affilié à aucune société de psychanalyse.