Olivier Vanderstukken, psy en milieu carcéral

Accueil des détenus, prise en charge d'auteurs d'agression sexuelle, difficulté de maintenir le secret professionnel... Pour un psy, l'exercice en milieu carcéral est aussi difficile que méconnu. Olivier Vanderstukken, qui travaille au Service Médico-Psychologique Régional (SMPR) de Loos, a accepté de nous raconter ses missions au quotidien.
Olivier Vanderstukken, psychologue en milieu pénitentiaire, travaille au sein du Service Médico-Psychologique Régional (SMPR) de Loos ,dans le Nord-Pas-de-Calais. Il est également coordinateur réseau de l’Unité Régionale Sanitaire auprès des Auteurs de Violence Sexuelle (URSAVS), centrée sur les problématiques de l’aide psychologique auprès des auteurs d’agression sexuelle.

Quel est votre parcours, et où exercez-vous actuellement ?

Après mes études à la faculté de psychologie de Louvain-la-Neuve en Belgique, j’ai été engagé en 1999 par le Docteur Archer au Service Médico-Psychologique Régional (SMPR) de Loos, dans le Nord (59). Ainsi, bien qu’étant belge, je travaille dans la fonction publique hospitalière française. Lors de mon recrutement au SMPR de Loos, j’étais déjà fort impliqué dans la recherche sur les populations en milieu carcéral.
Mon mémoire de fin d’études portait en effet sur la psychopathie, les psychopathes étant une population découverte ou redécouverte en milieu carcéral. Cette recherche se plaçait dans la lignée des travaux du spécialiste de la psychopathie en Europe francophone, Thierry Pham. Ensemble, nous avons abordé des dimensions neuropsychologiques de la psychopathie, comme les troubles de l’attention et des fonctions exécutives. Les fonctions exécutives, situées dans le lobe frontal, permettent la planification et l’inhibition de réponses inadaptées. Or, les psychopathes persévèrent dans des réponses inadaptées. Cette recherche a permis de réfléchir sur les implications dans la prise en charge de type neuropsychologique des psychopathes.
Nous travaillons aussi de cette façon en ce qui concerne les auteurs d’agression sexuelle, tentant d’entrevoir différentes manières, différents prismes pour aborder leurs problématiques. J’avais donc entamé une réflexion sur la prise en charge et l’évaluation des psychopathes, et le Docteur Archer m’a alors proposé de développer cette même approche, l’évaluation, ainsi que les techniques thérapeutiques auprès des auteurs d’agression sexuelle. J’ai donc développé la validation d’outils d’évaluation de dimensions cliniques comme l’empathie et les distorsions cognitives, et mis en place un groupe thérapeutique pour les auteurs d’agression sexuelle condamnés. C’est sur cette base que j’ai commencé mon activité au SMPR de Loos, service dans lequel je travaille toujours actuellement.

Quelles sont vos missions au quotidien dans le Service médico-psychologique régional ?

Le SMPR est un service de psychiatrie dépendant de l’hôpital, en l’occurrence du pôle de psychiatrie du Centre Hospitalier Régional Universitaire (CHRU) de Lille. En tant que psychologue clinicien et thérapeute, j’exerce depuis 10 ans à la Maison d’arrêt ainsi qu’au Centre de détention de Loos, auprès des auteurs d’agression sexuelle, mais pas uniquement. Il peut s’agir de prévenus, ou de personnes détenues dont la longueur de la détention, et bien sûr le reliquat de la peine, varient. Je suis également depuis 10 ans le psychologue référent en Unité d’Hospitalisation au sein du SMPR, qui est un secteur d’hospitalisation libre pouvant recevoir jusqu’à 18 « détenus-patients » acceptant d’être hospitalisés en cas de nécessité. Ce travail est donc pluridisciplinaire et me met en contact avec des infirmiers, des éducateurs, des psychiatres et des internes en psychiatrie, il s’agit vraiment d’un travail d’équipe.
Parmi mes missions au SMPR figure l’accueil des patients en milieu carcéral. Lorsqu’une personne est détenue, elle n’a pas l’obligation de se soigner, mais il y a une incitation au soin, qui se concrétise par la rencontre systématique de toute personne arrivant en prison avec un soignant. Celle-ci se voit donc proposer un entretien avec un psychologue, pour savoir comment elle vit le choc carcéral, quelles sont ses problématiques, par exemple si c’est une personne dépendante aux drogues, à l’alcool, comment elle perçoit ce problème, si elle va aller vers une démarche de soins. Nous tentons également d’aborder des problèmes familiaux ou de violences conjugales s’ils existent, ou encore de savoir comment la personne se situe par rapport au fait commis, si elle souhaite en parler : il s’agit en quelque sorte de l’entretien d’accueil.