On a testé pour vous... la méditation 2.0

Méditer avec des applis pour m’aider à dompter mon cerveau : voilà à quoi je me suis hasardé. Et rien, absolument rien, n’a tourné comme prévu.

Méditons à tâtons

La méditation ? Très peu pour moi ! C’est ce que j’ai longtemps éprouvé, en n’en pipant mot dans mon journal, puisqu’il ne s’agit pas de Marmion-magazine, mais n’en pensant pas moins. Et voilà que j’entends méditer à mon tour. Qu’est-ce qu’on s’amuse !

Quel est ce prodige ? Quelle bonne fée s’est penchée entre mes oreilles, bravant sa peur du vide ? On prétend qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, mais c’est peut-être un imbécile qui a dit ça (et qui n’en a jamais démordu)… En réalité, je pense que trois éléments m’ont fait tourner casaque.

La curiosité. Un vilain défaut. Je l’ai, parmi pas mal d’autres. La possibilité, évoquée çà et là, de connaître par la méditation des états modifiés de conscience propices ou analogues à des rêves gentiment lucides, des phénomènes tendrement mystiques, des hallucinations chafouines, tout ce que j’aime goûter du bout des lèvres tant que ça relève de l’exploration balisée (voir certains épisodes précédents de cette rubrique). Le renfort de la technologie, qui caresse mon côté vieux geek dans le sens du poil. La méditation, bof. La méditation 2.0, chiche. Car être 2.0, ça vous pose un bonze comme être de Garenne vous pose un lapin.

J’ai repéré un mirifique bandeau, le Muse InteraXon, un combi EEG/biofeedback qui vous accompagne pour méditer. Mais comme ça coûte un bras (à tout le moins : un coude) et que je préfère attendre la paye, pour le moment j’ai téléchargé une appli pour faire mes premiers pas. J’ai opté pour Calm, qui propose des programmes répondant à différents objectifs. Je pense que j’y joindrai rapidement Buddhify, qui présente des dizaines de sessions à écouter pendant les situations les plus diverses de la vie quotidienne (et puis, j’aime bien le nom).

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Pour ma première tentative avec Calm, je passe 9 minutes à me concentrer sur ma respiration et à compter 1 en inspirant, 2 en expirant. Comme j’étais de toute façon sur le point de m’endormir, je bascule pendant quelques secondes dans un état hypnagogique pas piqué des hannetons où j’aperçois deux énergumènes se parler gaiement en se tenant par l’avant-bras ou en se serrant la main, je ne sais plus. Je n’ai pas réussi à retenir ce qu’ils se disaient. J’étais peut-être l’un des deux. Je reviens à moi, puis je bascule de nouveau dans un état vaporeux, et là, une phrase me vient à l’esprit, toute faite ! Et ça me dit : « Ce qui frappe, c’est l’esprit ».

Plaît-il ? Qu’a voulu me dire mon inconscient ? Quel sens privilégier ? Je ne cherche pas à comprendre. Je m’endors tout à fait et, vers le petit matin, je fais un rêve quasiment lucide. Et stupide : je me prépare à réaliser une interview pour mon Podcast Psychonoclaste bien-aimé (voir l’épisode précédent), sauf que pour une fois ça n’est pas par téléphone, mais chez moi. Dans mon lit.

Je dois recevoir un monsieur dont le nom me tourne sans arrêt dans la tête pendant ces préparatifs, et le voici qui entre dans la chambre. Je lui cède ma place dans la couche conjugale. Oh ! en tout bien tout honneur ! Je retourne même l’oreiller en douce pour ne pas avoir, plus tard, à poser ma tête après la sienne, des fois qu’il n’aurait vu un shampooing qu’en photo depuis six semaines. Je m’allonge près de lui, à la place de mon épouse préférée, opportunément absente. Je commence l’entretien suivant mon introduction rituelle, « bonjour bienvenue etc. », mais je m’arrête. Tout à coup. Tout à trac. Patatrac. Parce qu’en prononçant enfin à haute voix le nom de mon invité, je me suis rendu compte qu’il s’agit du type que j’ai le moins envie de voir parmi toutes mes fréquentations, ce qui n’est pas peu dire. Que fait-il là ? Pourquoi l’ai-je convié ? Je le vire du lit, gentiment mais sans coup férir, et j’annule tout. Quant à ma peur des poux et pellicules, elle était inappropriée puisque l’individu n’a plus un poil sur le caillou.

Qu’est-ce que ça veut dire ? Une seule chose : à mon avis, je ne vais pas m’ennuyer de sitôt en méditant.

Vers les méditations de traverse (et de traviole)

M’initier à la méditation allongé dans mon lit au moment de m’endormir semble une enviable recette pour parvenir à strictement n’importe quoi. Du moins avec ma facilité coutumière à effleurer le rêve lucide et d’autres phénomènes carnavalesques du sommeil. Ma deuxième séance de méditation donne lieu de nouveau à des scènes hypnagogiques, mais plus fragmentaires, plus disparates, et dont je ne retiendrai rien. Cette nuit-là sera tout de même agitée. Les suivantes, moins. La croisière s’amuse le long d’un petit fleuve pas tranquille et de golfes pas très clairs jusqu’au sommeil delta.

Par un de ces savoureux paradoxes dont je raffole, il semble que même si j’ai longtemps refusé de me mettre à la méditation, j’étais déjà un méditant sans le savoir. Parce qu’enfin à quoi m’exhortent mes premières leçons, certes simples, sur appli ? M’autoriser à ne rien faire, le temps de la séance. Oh, mais là je suis un virtuose ! Collez-moi au pied d’un arbre dans mon jardin, devant un cours d’eau qui se dandine, face à un paysage qui m’écrase de sa quiétude et sa beauté, et je peux rester des heures en mode statue, un sourire satisfait sur la bouille et entre les poumons.