Cela aurait pu être une journée comme les autres pour le soldat Dzoni. Levé aux aurores, inspection des lits, douche, garde-à-vous : les gestes routiniers de la vie de caserne ouvrent Ordinary People. Si l’ordre de mobilisation qui tombe au milieu du petit déjeunervient perturber ce train-train martial, la journée semble pourtant s’annoncer comme une partie de campagne sous le soleil des Balkans. Seul bémol à cette balade estivale, la radio du bus crachote des nouvelles concernant les « terroristes » qui menacent la nation. Vladimir Perisic étire à souhait ce préambule bucolique pour mieux installer l’innocence de Dzoni. Le subtil embarras des gestes, le léger décalage dans l’exécution des ordres, les petites brimades des autres soldats, permettent peu à peu de cerner une jeune recrue inexpérimentée qui se demande quel peut bien être la raison d’être de la mission du jour. Le spectateur quant à lui meuble l’attente confusément inquiète du soldat. Les réminiscences de Srebrenica, de charniers Croates ou Bosniaques lui viennent peu à peu à l’esprit. Dans un parti pris résolument anti-spectaculaire, refusant toute dramatisation, le cinéaste ne rompt jamais le rythme de son récit, scandé par les gestes terriblement anodins des soldats. Comme si ceux-ci s’accrochaient désespérément à cet ordinaire pour traverser l’orgie sanglante dont ils ont pour ordre d’être les bourreaux. Une évocation magistrale de la banalité du mal.