En quoi consiste l'effet nocebo ?
C'est le revers de la médaille de l'effet placebo : il s'agit d'un effet négatif qui va annuler ou réduire, voire annuler les effets pharmacologiques d'une substance. L'effet nocebo, comme l'effet placebo, n'est pas lié au médicament pris, mais principalement à l'attente du patient, découlant elle-même de l'attente du médecin vis-à-vis du traitement qu'il prescrit. De même que l'effet placebo est le reflet de la bonne relation thérapeutique, on présuppose que l'effet nocebo est lié à une mauvaise relation entre médecin et patient autour d'une croyance partagée quant à l'efficacité de la prise en charge. Il n'y a donc pas de bon ou de mauvais thérapeute, ni de bon ou mauvais patient, mais une bonne ou une mauvaise relation thérapeutique. Mais nous touchons là un domaine encore marginal qui, malgré quelques études, intéresse encore peu la médecine.
De même que l'effet placebo est parfois décrit comme le facilitateur d'un processus de guérison naturelle, peut-on considérer l'effet nocebo comme l'accélérateur de mécanismes pathologiques ?
En effet, l'effet placebo favorise la sécrétion par l'organisme de substances thérapeutiques qui vont des anti-inflammatoires aux antinicotiques en passant par les antidépresseurs et les antibiotiques, et même des amphétamines, des morphiniques et toutes les drogues de la création ! Exactement en miroir, si le patient estime que son médecin ne conçoit aucun espoir pour lui, beaucoup de mécanismes liés au stress comme le taux de noradrénaline ou de cortisol, la tachycardie, l'hypertension... peuvent expliquer des complications purement nocebologiques. Les essais pharmacologiques incluent des patients traités à leur insu, et à l'insu du prescripteur, par placebo. L'effet nocebo peut-il fausser les résultats ?
L'effet nocebo est déjà pris en compte puisque, dans les groupes placebos, les patients développent les mêmes effets secondaires qu'avec le vrai produit : dans le cas des antidépresseurs il peut s’agir d’une insomnie, de la bouche sèche, de constipation, de nausées et maux de tête... Quant à imaginer que l'effet nocebo puisse entraîner non pas des effets secondaires mais l'annulation pure des effets de l'antidépresseur, j'en suis persuadé, même s'il n'y a pas d'études à ce sujet. En Grande-Bretagne, un médecin a mené une expérience avec les patients présentant des symptômes fonctionnels de type fatigue, maux de tête... Après tirage au sort, à certains il a donné un diagnostic scientifique en affirmant que le traitement les guérirait dans la semaine. Aux autres, il a prétendu qu'il ignorait ce dont ils souffraient et leur a prescrit un médicament usuel. En réalité, à tous il donnait du placebo. Evidemment, le premier groupe s'est mieux rétabli. On pourrait imaginer une expérience analogue, placebo versus placebo, pour mettre en évidence un effet nocebo lié au discours du médecin et à son enthousiasme. L'optimisme déclencherait le placebo, et le pessimisme, le nocebo.
On a vu récemment dans l'actualité que certains mitoyens d'une antenne-relais se plaignaient de différents symptômes alors que l'antenne n'avait pas encore émis. Peut-on y voir un effet nocebo ?
Je pense que c'est le cas pour un grand nombre de personnes dites « électrosensibles ». J'ai réalisé une expérimentation avec une jeune universitaire qui disait ne plus pouvoir vivre dans ce monde bourré de rayonnements, au point de vouloir s'installer sur une île pour échapper à ses maux de tête, ses vertiges, sa fatigue et ses insomnies. J'ai voulu qu'on vérifie ensemble que ses symptômes étaient bien liés, par exemple, à son téléphone portable. Pour ses vacances, un complice ingénieur a bricolé son téléphone pour qu'il soit alternativement, durant des périodes définies par tirage au sort, éteint ou en veille. Ses parents devaient l'appeler toutes les deux heures. Comme il n'y avait ni sonnerie ni vibreur, elle ne pouvait savoir s'il était actif. A la fin de chaque période, selon ses effets secondaires, elle devait parier si l'appareil avait été en activité ou non. Au vu des résultats, elle qui était une scientifique a tout de suite compris de quoi il en retournait, à la fois vexée et rassurée de pouvoir vivre dans ce monde rempli d'ondes... Je pense donc vraiment que l'électrosensibilité fonctionnelle est un pur effet nocebo, secondaire à la campagne médiatique et à l'incompétence des juges qui ont instruit dans de tels procès et donné raison aux plaignants. En revanche je ne me prononce pas sur les tumeurs et les processus longs. Là, personne n'en sait rien.