Ce tour de France pourrait nous ramener aux compagnons d’autrefois, car il en a la couleur. Car dans l’attitude de ces deux citadins diplômés, il y a l’humilité nécessaire à la mise en apprentissage d’une altérité radicale. Et la mise en œuvre rigoureuse d’un tableau de la France agricole non productiviste. Non pas une France passéiste et arc-boutée sur des images sépia d’un paradis perdu. Mais une palette de paysans plutôt en avance sur leur temps, ayant conscience de faire le pont entre un savoir millénaire adapté aux exigences du jour et un futur qui aura écarté l’horreur productiviste qu’Edgar Pisani a reconnue jadis comme une regrettable erreur. Ethnologues des paysans en survie ou en reconversion, peintres d’une France paysagère dont les qualités doivent tout aux paysans, ils vont au-devant de pionniers qui défrichent d’autres systèmes de culture propre et durable. Producteurs de plantes médicinales, artisans chocolatiers, vignerons, paysans boulangers, confituriers, restaurateurs, Frédéric Gana et Tifenn Hervouët ont glané, dans toute la galaxie des métiers qui vont du paysage à l’assiette, les jeunes pousses d’une agriculture alternative. Ces 15 000 kilomètres et 80 enquêtes de terrain visent à prévenir ceux qui seraient tentés par « l’aliénation technoscientifique et mercantile ». Sous l’objectif et la plume de ces visiteurs renaît la parole des acteurs qui n’ont rien abdiqué de leurs convictions. C’est pourquoi il fallait les entendre
Marc Olano