Philosophie : les tournants contemporains

Au cours de ce dernier quart de siècle philosophique, certaines idées ont fait l'effet de petites révolutions dans le monde des philosophes. Feux de paille ou feux rampants, leurs effets ont été, sinon profonds, du moins remarqués. Ils tenaient soit à leur nouveauté, soit à la vigueur de leur expression.

Le « tournant linguistique »

On nomme ainsi l'attitude, adoptée par le logicien Gottlob Frege (1848-1925), qui consiste à rapporter toutes les questions ontologiques à des problèmes d'exactitude du langage qui définit la philosophie comme une avtivité qui porte sur la façon dont nous parlons du monde et non sur le mode lui-même (domaine de la science).

Ainsi, au lieu de s'interroger sur ce qu'est une sensation ou une idée, on réfléchit au vocabulaire de la sensation et de la pensée. Développée en 1929 par le Cercle de Vienne (Bertrand Russell, Rudolf Carnap, George E. Moore) et le philosophe austro-britannique Ludwig Wittgenstein, cette nouvelle manière de définir l'objectif de la philosophie est héritée par la tradition anglo-saxonne dite « analytique ». Elle a influencé le fondateur de l'existentialisme allemand, Martin Heidegger, et d'autres courants postérieurs, comme celui de l'herméneutique de Hans Georg Gadamer.

Toutefois, il faut savoir que le « tournant linguistique » a justifié des positions contrastées, allant du positivisme logique, qui fonde la vérité sur la logique des énoncés et l'expérience, à celle de la philosophie du langage, qui place la connaissance sûre dans l'accord entre les hommes sur les mots, c'est-à-dire le sens commun.

C'est dans des sens divers que le « tournant linguistique » a été pris en compte, en France, depuis les années 70 : l'oeuvre de Michel Foucault est tout entière une approche critique du pouvoir exercé par les mots ; celle de Paul Ricoeur, plus proche du courant existentialiste, inclut une recherche sur les effets de la narration et de la métaphore. D'autre part, les travaux de Jacques Bouveresse et de Vincent Descombes s'inscrivent plus directement dans les héritages respectifs du positivisme logique et de la philosophie du langage.