Les cas de plagiat sont nombreux. Entre accusations féroces et défense obnubilée par les procédés littéraires ou artistiques pour justifier les emprunts, il existe pourtant une voix décalée. Plus mesurée aussi : celle de la psychologie cognitive, qui dit que nous pouvons plagier… sans le faire exprès ! Le constat est simple : la mémoire parvient à conserver des informations dont elle ne situe plus la source. Au-delà du "vol littéraire" classique, c’est le plagiat d’idées qu’il s’agit de remettre en question. Voilà qui a le mérite de remettre du débat dans le débat !
Les médias se sont fait l'écho d'innombrables affaires : PPDA, Coldplay, Rama Yade, Beyoncé, Joseph Macé-Scaron, Rihanna… pour ne citer qu'eux. Plagiat aura été l'un des mots de 2011. Ecrire cela, c'est peut-être déjà plagier… Et il ne serait pas étonnant que la même phrase (ou du moins une accroche semblable) ait été écrite par un autre, ailleurs, à l'occasion d'un bilan d'année. Devrions-nous alors rejoindre la catégorie socialement peu enviable des plagieurs ? Peut-être… mais pas au sens où l'accusation habituelle l'entend. Car on ne l'aurait pas fait exprès, sincèrement. Un peu léger comme défense, nous direz-vous… Sauf que la psychologie cognitive plaide en notre faveur. Le plagiat involontaire existe, et n'est pas le fait des seuls artistes-pilleurs sans état d'âme. Tout le monde peut être concerné. Le phénomène est même le lot du quotidien. Vous étiez satisfait(e) de vos dernières idées professionnelles, trouvailles vestimentaires ou bons mots devant vos amis? Il est probable qu'ils ne soient pas de vous ! Constat déprimant certes, mais surtout capable de bouleverser la lecture actuelle de la propriété intellectuelle. Tous les champs de la pensée se retrouvent au cœur de l'enjeu, de la création artistique à la science, en passant par le journalisme ou la simple réalisation de travaux étudiants. Il ne s'agit plus dès lors du plagiat classique tel que défini par le Petit Robert, à savoir un « vol littéraire », mais bien d'un phénomène qui s'étend au-delà de la seule littérature pour investir jusqu’à nos comportements les plus communs. N'est donc pas concerné le plagiat de paragraphes entiers, mots à mots, dans l'écriture d'un livre (et il y a des exemples dans les noms cités plus haut). Qui oserait en effet parler d'acte involontaire dans un tel cas ? Mais plagiat volontaire et involontaire coexistent, et l'existence du deuxième mérite qu'on s'y attarde.
Une étude fondatrice
On parle de plagiat involontaire lorsqu’un individu produit une idée préexistante avec la conviction d'en être l'auteur (le terme de cryptomnésie est également utilisé dans la littérature scientifique). Il s'agit d'un processus relativement courant dans la vie quotidienne. Anne-Catherine Defeldre (chercheuse en psychologie à l'Université catholique de Louvain) a demandé à 202 participants de se remémorer un épisode de leur vie durant lequel ils ont plagié involontairement (1). Les résultats sont explicites : 54 % des participants ont reconnu un tel plagiat, parfois lors de situations aussi communes que la création d'un cocktail, l'invention d'un nouvel exercice de sport ou le choix d'un cadeau d'anniversaire. A chaque fois les participants étaient persuadés d'avoir généré une idée totalement nouvelle, alors qu'ils se sont rendus compte après qu'elle avait déjà été exprimée par quelqu'un d'autre auparavant (la recette du cocktail existait déjà par exemple, le participant n'avait rien inventé). Le phénomène est donc bien réel, et n'est pas une création de psychologue de laboratoire. Lieu sur lequel il convient pourtant de revenir pour bien comprendre les mécanismes du plagiat involontaire.