
Jacques Lecomte
Expert francophone de la psychologie positive, il a notamment publié La bonté humaine (Odile Jacob, 2012) et Le monde va beaucoup mieux que vous ne le croyez ! (Les Arènes, 2017).
Vincent Mignerot
Essayiste, il a notamment publié Le piège de l’existence. Pour une théorie écologique de l’esprit et Transition 2017 . Réformer l’écologie pour nous adapter à la réalité (Éditions Solo, 2014 et 2017).
Comment l’environnement nous construit-il sur le plan psychologique ?
Vincent Mignerot : Il faut selon moi remonter aux origines de la différenciation de l’espèce humaine. Nos acquis cognitifs nous ont fait cumuler des capacités que les autres espèces n’ont pas, en premier lieu notre capacité d’abstraction. Si un chimpanzé sait utiliser un outil, il ne sait pas, à partir de deux réalités, telles une masse et un levier par exemple, en façonner une troisième pour créer un marteau, contrairement à nous. Cette capacité à construire des outils plus élaborés nous a posé un problème : davantage que l’ensemble des autres espèces, nous avons saturé les énergies et les ressources. De notre capacité d’abstraction, nous avons hérité deux autres capacités : le déni et le rejet de responsabilité. Pour mon bénéfice premier, je suis capable d’interagir très fort avec le milieu, voire de le détruire, mais je refuse de l’admettre. C’est l’autre, ce sont les autres, qui détruisent. Voilà, à mon sens, les processus fondateurs de la psyché humaine.
Jacques Lecomte : Je vais répondre concrètement à votre question. Beaucoup de travaux en psychologie montrent tout simplement que quand quelqu’un est à l’hôpital, s’il a en face de lui un mur, il récupérera moins vite qu’avec une vue sur une forêt. Être entouré de nature pousse aussi à l’altruisme. La nature nous fait donc du bien, mais nous n’en avons pas conscience et nous n’en profitons pas. Un mythe construit au fil du temps voudrait que posséder nous rendrait heureux. Or, certains chercheurs, comme l’Américain Tim Kasser, ont montré que les personnes attirées par les biens matériels et la reconnaissance sociale sont globalement moins heureuses que celles tournées vers la nature et les relations humaines.
Face à dégradation de l’état de la planète, comment ne pas sombrer dans l’éco-anxiété ?
J. L. : Les effondristes s’intéressent surtout à ce qui va mal ! Jean Jouzel, l’un des représentants du Giec en France, a co-écrit Finance, climat, réveillez-vous ! Les solutions sont là. La situation est incontestablement problématique mais ne conduit pas nécessairement à l’effondrement, ce qu’il dit clairement. Je pense que rien n’est irréversible. Il est encore temps si nous agissons vigoureusement, non à partir de la peur mais de la confiance que l’avenir est largement entre nos mains. C’est le meilleur message à transmettre.